Pilier de l’économie, l’endettement des ménages est essentiellement composé des prêts immobiliers. L’endettement est moindre en France, mais il est en situation d’overdose dans les pays anglo-saxons (1). Cette situation n’est pas due au hasard. La dette des ménages doit faire l’objet d’une attention particulière, d’un regard impartial et, compte tenu des enjeux, les notaires ont un rôle important à jouer !
Le secteur financier et bancaire a externalisé sa propre prise de risque dans les prêts, via la titrisation, pour retrouver des capacités nouvelles de capitaux et faire de nouveaux prêts. Il ne faudrait pas que les prises de risques expliquées aux ménages soient évaluées dans le futur par les avocats de la Banque ou leurs juristes d’entreprises de façon directe ou indirecte. On sent bien là que la dualité de professions notaires/avocats, conserve toute sa valeur. Comme l’indique Mme Frison-Roche, Professeur titulaire de la chaire de Régulation à l’Institut d’Études Politiques de Paris, les contrats des biens assurent la garantie de l’effectivité des transactions et leur exécution reconnue par l’État. Ils sont des atouts économiques majeurs pour la transparence, la fluidité et l’efficience du marché. Il ne s’agit pas d’une affaire de compétence entre avocats et notaires. Sur ce marché, les avocats, les directeurs juridiques de sociétés ou de contentieux bancaires sont tout autant compétents en tant qu’experts que les notaires dans les domaines du conseil, de l’explication ou de l’expertise. D’ailleurs, si l’analyse s’arrêtait là, on pourrait effectivement concevoir l’idée d’une seule profession juridique. Mais, bien au-delà, il s’agit de savoir quel professionnel va établir la confiance entre les acteurs du marché immobilier. Or, c’est ce rôle tout à fait particulier qui est au cœur du métier du notaire.
Un rôle régulateur
L’acte notarié a un rôle normatif ; il est équivalent à un jugement. En contrepartie, des obligations pèsent sur le notaire. Le notaire établit de l’incontestabilité. Son acte est intrinsèquement la preuve même du titre soit de créancier soit de propriétaire. Et nous savons que les marchés sont volatiles. Ce rôle normatif et régulateur du marché immobilier par le notaire est institutionnalisé par ses liens de subordination à l’État et dû à son statut intrinsèque, parce que justement l’État a confié au notaire la « fides publica ». Cette confiance est nécessaire avec l’ouverture des frontières, la multiplication des transactions et des sources de contentieux. L’incontestabilité est une valeur intrinsèque qui est un bien public. Elle représente une valeur économique de premier ordre, d’autant qu’elle est établie en amont de la vie économique de la transaction. C’est la raison pour laquelle le notaire est tenu à des devoirs de conseil tout à fait particuliers par rapport à ceux auxquels sont soumis les avocats. Il est un tiers de confiance.
Facteur économique
La profession notariale s’est dotée d’outils spécifiques professionnels, notamment d’une base de références immobilières. La qualité de notre institution garantit les opérateurs du marché. Avec le capital humain, le capital financier et l’innovation, c’est un des quatre grands facteurs économiques. Le modèle économique du marché immobilier « régulé » par le notaire n’est pas celui d’un marché à risque de type boursier ; celui de l’endettement des ménages non plus. Il en va de la principale fortune des Français. La prudence et l’humilité historique sont nécessaires dans une économie productive. Le risque du marché immobilier ne tient pas dans la fluctuation de ses prix. Il variera toujours en fonction des anticipations des individus. Aucune profession ne pourra l’endiguer, que ce soit les notaires, les avocats ou une profession unique. Le risque du marché immobilier réside dans l’impact du doute pouvant s’installer sur l’existence même des titres ou des conditions dans lesquelles ceux-ci ont été établis. Frontière
L’incontestabilité des titres de propriété établis par le notaire et l’information symétrique (et impartiale) que celui-ci distribue aux parties constituent les frontières entre les professions d’avocat et de notaire. Elles conduisent à éviter une seule et même profession juridique. Cette différenciation professionnelle entre avocats et notaires répond aux mêmes impératifs que ceux imposés aux experts comptables et aux commissaires aux comptes pour les entreprises (affaire ENRON). Il en va de même du marché de l’endettement des ménages et de l’immobilier. La séparation des professions juridiques y intervenant est un des éléments de la régulation de ce marché. Enfin, le notaire établit du « Binding » (lien social) dont l’économiste Robert Putman a montré la corrélation positive entre la capacité des gens à s’entendre et le nombre de transactions. C’est le rôle du tiers impartial que d’établir ce lien. Ce n’est pas l’objectif des avocats qui ont pour culture de défendre les intérêts du client. Une cause tout à fait pertinente, mais qui ne remplit pas un rôle de régulateur de marché.
1. Aux États-Unis, les ménages américains sont deux fois plus endettés qu’en France.