La charte est morte, vive la charte ! Celle de 2009 remplace celle de 1991. 18 ans d’existence qui ne semblent pas avoir marqué les esprits : un sondage ne révèlerait sans doute qu’un petit pourcentage de notaires connaissant son existence. Pourtant, c’est bien elle qui, d’une part, a permis l’installation d’un service intégré et spécialisé dans une centaine d’études ; d’autre part, a appuyé indirectement l’essor d’Unofi grâce à la formation drainant près de 4 000 professionnels du notariat…
Avec la charte de 1991, le patrimoine n’était plus interdit d’approche aux notaires. L’ouverture était petite, mais dans son principe, elle s’est révélée porteuse d’évolution. Cette évolution des esprits fut bien plus profonde qu’il n’y paraît. C’est à la décision controversée du Président Limon que nous la devons, alors même qu’il n’était pas foncièrement convaincu. Mais il a « senti » la nécessité de cette ouverture et a su la faire prévaloir, par dessus son propre sentiment, en privilégiant l’évolution sur le statu quo. Rare vertu ! Pourquoi cette nouvelle charte ? Comparant l’ancienne et la nouvelle, on y cherche vainement un grand bouleversement. La majorité des éléments s’y retrouve textuellement. Voilà pour les apparences. Il ne s’agirait que d’une adaptation aux textes restrictifs, contraignants et exclusifs pour le notaire, parus depuis 1991. Passivité assurée, nous n’avons pas levé le petit doigt pour maintenir, voire affirmer, le rôle du notaire dans le patrimoine. Ainsi nous trouvons-nous exclus de l’assurance-vie, matière essentielle au patrimoine. Avant même d’envelopper des produits financiers, elle est pourtant gouvernée par un droit spécial donnant lieu à un contrat spécial dans lequel nous aurions dû revendiquer haut et fort notre compétence. Si le notaire ne peut pratiquer son conseil en amont et dans le contrat, est-ce tolérable ? Nous étions pourtant avec la Chancellerie en mesure de nous faire entendre, et parfaitement dans notre droit fondamental. La suspicion qui encadre notre activité est intolérable, et si nous la supportons indirectement, c’est pour satisfaire aux pressions des tenants du tout monopole, tout statu quo, tout sauf l’évolution, la diversification, l’ouverture. Ces conséquences s’étendront hélas chez nos successeurs… Qu’importe si nos finances actuelles n’en sont pas amoindries ! Et nos concurrents en feront leur miel.
Approche globale
La nouvelle charte est présentée dans « Vie Professionnelle » par Dominique Garde, vice président. « Ce texte, lit-on, servira en quelque sorte de garantie, tant pour le client que pour les pouvoirs publics ». Nous voilà prévenus ! Nous aurions aimé lire les mots de « service à rendre au client ». Et d’enfoncer le clou en opposant le rôle notarial des conseillers en gestion de patrimoine à celui des banquiers ou des assureurs . C’est oublier les Conseils en gestion de Patrimoine qui prospèrent à l’ombre de nos abandons et qui font en majorité, une « approche patrimoniale globale » telle que nous la pratiquons. Elle fut mise au point par le Doyen Aulagnier en osmose avec Me Battut et ses équipes. Aussi, est-ce rabaisser le rôle notarial que de le cantonner en constante surveillance, en s’abritant sur l’omniprésent « officier public ». Nul ne songe à le nier ou à le minimiser, mais il sert de paravent à tout immobilisme !
Rémunération
La question de la rémunération fait l’objet d’un brillant exercice de style. Il consiste à interdire le règlement par l’assureur avec l’accord express du client, désormais frappé d’excommunication. Cette pratique n’a pourtant révélé aucune difficulté d’éthique en près de 20 ans, ni de réclamation pour lui substituer le paiement direct du client. Les deux procédés. reviennent au même résultat, avec, dans les deux cas, la connaissance parfaite et l’accord écrit du client. Qui a fait valoir cet aspect d’un évident bon sens ? Pourquoi ne l’avoir pas fait, sinon pour refuser d’une main ce que l’autre accorde, en tenant en laisse toute activité d’ouverture perçue comme « satanique » par « l’officier public » ! À force de ne pas soutenir la diversification du développement nécessaire à toute entreprise (fut-elle notariale), ne décourage-t-on pas l’initiative mère de tout progrès ?
Conseil
Dernière « différence » entre les 2 chartes. La première version est celle du « notaire consultant en gestion de patrimoine », tandis que la seconde, plus sobre, est celle du « notaire conseil patrimonial ». Art sémantique habile qui abrite le rejet du mot « gestion ». C’est pourtant ainsi que tout le monde (professionnels et clients) parle de l’activité. Devons-nous, une fois de plus (de trop), nous abstraire de la commune expression, pour en adopter une plus restreinte, dont personne ne sent au premier abord l’écart… Si ce n’est que la consultation implique un honoraire alors que le mot « conseil » sous-tend confidence et gratuité. Sur quoi, notaires et clients se retrouvent : les uns sont rassurés, sans sortir du cercle ; les autres sont contents de ne rien payer. Le tout sans songer qu’aujourd’hui, ce qui est gratuit ne vaut rien. Est-ce bien cela que nous voulons, dévalorisant, mine de rien, notre statut, fut-il d’officier public ? Le nécessaire respect de celui-ci n’implique nullement le désaveu du chef d’entreprise tourné vers l’avenir. En ce début d’année, souhaitons-la prospère malgré tout !