La colère gronderait-elle chez les notaires ? Dans un joli coin de l’hexagone, réputé pour la douceur de son climat, un confrère (1) vient d’interpeller les instances, dans la foulée de l’AG de mai. Il a adressé copie de son courrier à l’ensemble des confrères du ressort de son Conseil régional. C’est bien d’un coup de pied au culte (du silence et de la résignation) dont il s’agit !
Incontestablement, le discours avec refrain “Tout va très bien Madame la marquise…” ne passe plus. Une fois n’est pas coutume, un confrère, ancien président de Chambre et ancien membre du Conseil régional, vient de secouer le cocotier. Les raisons de sa colère : le discours “anesthésiant et en total décalage” de son délégué qui, dit-il, “n’était pas celui qu’espérait nos confrères et particulièrement les plus jeunes nommés”. Voici un extrait de son courrier…
“Ils attendaient surtout des décisions concrètes pour apaiser leur désarroi et les aider à passer cette période difficile. Au lieu de cela, vous avez annoncé les prévisions statistiques du CSN prévoyant une baisse de 7,5 % du chiffre d’affaire pour 2013. Cela prête à sourire. Ces prévisions ne sont pas crédibles (…) En prime, vous avez culpabilisé les confrères au motif que la solution passait par la baisse de leur train de vie ! (…) Eriger une règle générale à partir de cas particuliers minoritaires est insupportable et constitue pour tous les autres une insulte. Les confidences d’une jeune notaire (…) m’ont ému et m’ont décidé à entrer en résistance. En résistance ? Oui, (…) quand elle m’a informé qu’elle ne pouvait plus faire face à ses échéances, son étude ne faisant plus de bénéfices depuis plusieurs mois ; quand à son appel à l’aide à la commission tripartite ANC-CDC + Chambre, la réponse a été de réduire son train de vie ! Mais quel train de vie ? Elle n’a rien de bling bling et ne roule pas en V12 ! (…) Vous avez constaté les réactions de l’A.G (…), cela est révélateur de la tension dans laquelle nous nous trouvons faute de réactions adéquates de nos instances et de notre partenaire CDC”.
La gestion de la crise sur le grill
Nul ne peut nier la réalité de la “crise”, même si elle est plus ou moins perceptible, selon la localisation de l’étude, le degré de sang-froid de son titulaire, l’ancienneté dans la profession, la difficulté plus ou moins grande à “avaler” un prix de cession… trop souvent excessif (produit rare = produit cher). Ce qui est nouveau et réconfortant à la fois, c’est qu’un confrère ait pris le parti de s’indigner publiquement (dans le cercle de la profession) devant l’évident déficit de communication interne de nos instances. Car les notaires ne peuvent plus se contenter, face aux difficultés économiques qui les assaillent, des incantations venues du sommet depuis ces derniers mois (solidarité, lucidité, valeurs, imagination, audace, etc). La politique de l’autruche ne passe plus. Outre un zeste d’empathie, ils demandent la transparence (maintes fois réclamée dans nos colonnes) et la vérité !
La CDC nous lâche ?
Grosso modo, le confrère s’indigne aussi des positions floues du trio CDC – ANC – CSN. Il s’inquiète de ce qui s’apparenterait à un “lâchage” de la Banque de l’Etat. Se défausserait-elle sur “Bruxelles” pour nous refuser un réel appui ? Hypothèse crédible si l’on admet que nos cousins juristes, ayant perdu un allié de poids à l’Elysée, ont mis désormais plus forte la pression sur la fameuse Commission… Mais alors, pourquoi fallait-il que le directeur général de la CDC salue récemment “le lien indéfectible qui relie la Caisse des Dépôts avec les notaires depuis les origines, un lien d’amitié, un lien économique et financier majeur qui représente plus du quart de son bilan” ? Et d’ajouter que “dans des époques un peu incertaines, comme celles que nous vivons, il y a une vertu qui compte : la fidélité… La Caisse des Dépôts, en tout cas, sera bien aux côtés de la profession si elle subit un gros grain”. Si ce même établissement abandonne, aujourd’hui, les plus fragiles alors qu’ils doivent être épaulés pour passer le cap, que va-t-il se passer ? Et quel avenir pour les talentueux futurs candidats à l’installation, faute de transmission familiale ou d’apport personnel substantiel ?
1. Lequel n’a pas souhaité être cité dans notre revue.