Qu’on le veuille ou non il est aujourd’hui absolument impossible de se passer de ce qu’on appelle encore les “nouvelles technologies”. Le moindre objet est en passe d’être relié au réseau des réseaux, et il y aura bientôt plus de puces sur la niche que sur le chien ! Un phénomène auquel le notariat ne peut échapper…

 

C’est en sirotant un café, maintenu à température sur port USB, dans le “marché aux puces” qui me sert de bureau à domicile (mon épouse l’a rebaptisé “S.A.V.”) que je me pose pour vous cette question essentielle : que m’a réellement apporté cette fameuse “révolution” technologique ?!

 

Super-notaires

Fin 1995, alors qu’avec le Syndicat National des Notaires je proposais à mes chers confrères (qui, il faut bien le reconnaître, ne m’avaient rien demandé) de se connecter à l’internet à des conditions privilégiées, je voyais dans cet outil un moyen fabuleux de développement. Une sorte d’outil polymorphe capable de faire émerger une pratique nouvelle, nettement améliorée et ne laissant personne sur la touche… La fin du mythe du notaire isolé (que j’étais) passait nécessairement par l’expérience des semi-conducteurs, et la diversité de notre profession, composée au bas mot de 60 000 têtes supposées bien faites et relativement pleines, allait sans aucun doute permettre de sublimer la fonction en créant, à défaut de cyber-notaires (que j’imagine sous les traits de C3-PO (1) ou, plus probablement, des descendants d’ASIMO (2) des super-notaires)… Lorsque, fin 1997, la mécanique implacable du CSN et de ses satellites se mit soudainement en mouvement (en regardant à travers le trou central des CD-ROM pour mieux voir l’internet qui, disait-on se cachait derrière), je me suis pris à espérer que leurs immenses moyens permettraient d’aboutir à quelque chose d’exceptionnel. Ceux qui me lisaient alors savent que mes espoirs furent de courte durée. La doctrine du “faire figure” (faire savoir alors que nous ne savions pas faire) m’a toujours désespéré, et je lui aurais nettement préféré une doctrine du « faire tout court » (pour faire savoir ensuite ce qui avait été fait)…

 

Intranet

Dix ans après, qu’en est-il ?! Quel est l’usage de notre intranet ?

• Diffusion d’informations ? Ce qui est sur le portail n’est pas confidentiel au point d’exiger l’utilisation impérative du réseau sécurisé. Par ailleurs, il s’agit uniquement d’information en sens unique, la boîte de dialogue n’ayant pas survécu plus de quelques mois aux suspicions de censure…

• Centralisation des outils ? Plutôt réinvention de l’eau tiède ! Le service Intranot (ex-Diane) par exemple aurait pu être “invité” dans le réseau au profit de tous, mais “on” a préféré développer autre chose. Pourtant en 1984 alors que le CSN annonçait aux notaires en parlant du minitel “ne cherchez plus, tout est là”, Diane faisait bien partie de ce “tout” !

• Messagerie sécurisée ? Quand je vois à quel point il peut être parfois difficile de communiquer par mail avec les notaires affichant une adresse “@notaires.fr”, je reste dubitatif. • Fichier des Testaments ? Oui, sans nul doute, mais est-ce là un outil suffisant pour justifier les investissements effectués depuis l’origine du réseau ?

• Télé@ctes ? Je dois bien reconnaître qu’il y a “quelque chose”, même si en tant que petit notaire rural, plutôt bien servi par les Conservations voisines, je ne suis pas sûr d’être aussi enthousiaste que nos confrères urbains en termes de rapport coût/rendement.

 

Un “quelque chose” qui vient justifier la présence de l’intranet, sans qui –nous dit-on- rien n’aurait pu être mis en œuvre. C’est peut-être vrai. Mais rien ne dit que l’administration fiscale (qui souhaite avant tout alléger ses propres services) en avait indispensablement besoin pour mettre en place cette téléprocédure… Est-ce R.E.AL qui justifie télé@ctes ? Nul ne le saura sans doute jamais, pas plus que nous ne saurons si l’autre solution (à base de logiciels libres, de mutualisation des compétences et des connaissances, mais aussi des moyens financiers) aurait finalement été plus satisfaisante. La seule chose que nous puissions affirmer aujourd’hui, c’est que rejeter R.E.AL revient à “jeter le bébé avec l’eau du bain’’… Mais était-il raisonnable de donner un bain à un bébé dans une si somptueuse baignoire remplie d’une eau dont le prix est supérieur au plus recherché des parfums ?

 

1. Androïde de protocole en armure dorée bien connu. Vous étiez où ces trente dernières années ?

2. Premier robot humanoïde en passe d’être commercialisé pour le “grand public”. À quand une “opération ASIMO” organisée par le CSN ? Pour plus d’informations : “asimo.honda.com”