Qu’il s’agisse de sa propre personne ou d’une façon plus générale de toute une profession, l’auto-contrôle est un art périlleux.

La nature humaine est ainsi faite : l’exercice d’équilibriste que cela nécessite risque fort de nous entraîner d’un côté ou de l’autre, provoquant la chute inexorable et transformant le fil du funambule en celui du rasoir.

Tomber du côté vertueux consisterait en une intransigeance sans merci, une intolérance et une sanction lourde à la moindre petite différence. Or, si nous exerçons tous le même métier, nous sommes heureusement tous différents. Tomber du côté obscur reviendrait à fermer les yeux sur les égarements de nos confrères et à vouer aux flammes de l’enfer les petites erreurs comme les grosses malversations.

Nous voilà donc condamnés tout le long de notre vie professionnelle à rester funambules sur un fil qui n’est pas bien épais.

Il en est de même lorsque l’on est rédacteur dans une revue indépendante d’opinions. Nous devons toujours tenter de rester sur le droit fil du juste et ne sombrer dans aucun excès de part, ni d’autre : émettre des idées neuves et intéressantes, sans tomber dans l’utopisme primaire, ni ouvrir la boîte de Pandore ; dénoncer les aberrations flagrantes sans sombrer dans la presse à scandale, ni transformer ce journal en brûlot.

Vous avez pu vous rendre compte, lors des précédents numéros, – et vous pourrez encore le constater dans celui-ci- à quel point les tentations seraient grandes, mais aussi à quel point nous suivons ce droit fil éditorial. Et je gage que si nous en venions à perdre l’équilibre, vous nous le feriez savoir. Car, au bout du compte, le seul contrôle que nous ayons en dehors du nôtre, c’est le vôtre !