Ainsi, donc, la voici cette « augmentation » tant attendue du tarif des notaires ! Certes, le secret avait été un peu éventé par l’envoi prématuré de télécopies incitant à l’achat de nouveaux barèmes, mais la surprise n’en a pas été moins grande.

 
Alors, heureux ? Eh bien, oui et non…

OUI, car cette réforme comprend un élément positif : la forfaitisation à 90 UV (soit 351 ht) des émoluments de formalités « pour les actes destinés à être publiés au bureau des hypothèques ».

NON, car l’esprit chagrin qui m’anime y voit plutôt une nouvelle insulte à nos concitoyens. Le forfait n’étant pas absolu, la hausse sur les plus petits actes pourra varier entre 37,5 % et 62 %. Nul doute que « les défenseurs du consommateur » ne manqueront pas de crier « Jackpot »… et les clients de hurler !

 

Nous et les autres

Cette augmentation justifie que la rémunération prévue pour l’acte d’affectation d’un immeuble au patrimoine d’une EIRL soit du « plus pur style service public ». Mais alors, de QUOI pourrions-nous nous plaindre ? Nous ? De rien, sans nul doute, car nous n’en avons pas le droit. Une augmentation de 6,85 % de l’UV dans cette période de marasme devrait suffire à nous faire taire. Nous, oui. Mais les autres ? ! Cette modification du décret de 1978 renoue avec les véritables principes fondateurs de notre tarif actuel. Et je ne vous parle pas des principes « officiels » (unicité, péréquation, etc.). Je vous parle de ce qui motivait véritablement les équipes du ministère des Finances de l’époque, entièrement dévouées à la cause de la suppression de ces privilégiés de notaires, vestiges d’ancien régime… Ces principes étaient simples : les petits actes devaient être chers, pour ainsi dire intolérables pour le citoyen de base, et la rémunération du notaire devait rester insuffisante, le système de péréquation ayant été soigneusement calculé pour que la rémunération des plus gros actes n’équilibre qu’à peine le coût de la mission de service public. Par ailleurs, le tarif devait être incompréhensible pour donner à tous l’impression de permettre toutes les fantaisies pour celui qui facture… L’inflation galopante qui suivit, puis la hausse vertigineuse du prix des immeubles n’ayant pas suffi à produire le résultat escompté, c’est l’inverse qui eût lieu, provoquant la jalousie de nos concurrents et leur ardeur à nous remettre en question.

 

Un véritable rôle social

Le « nouveau » tarif augmente les petits actes d’une façon plus marquante, et aggrave même le flou en créant un forfait partiel pour les actes soumis à publicité foncière. Bien sûr, c’en sera fini des différences entre départements ou études voisines, mais pas pour tous les actes ! Notre survie même, celle de la profession toute entière -et pas seulement des « pauvres » (1)- dépend uniquement de ce problème tarifaire. Nous ne pourrons défendre notre utilité sociale que si le tarif a un véritable rôle social et se distingue du flou ambiant en devenant un modèle de clarté et de transparence. Forfait formalités ? OUI, mais pour tous les actes ! Et sans que la hausse vienne tirer de la poche de ceux qui en ont le moins, les deniers qu’on nous reprochera de « leur prendre »… alors que l’État nous les « donne » spontanément ! Tarifs réduits pour les actes de « service public » ? ! Pourquoi pas, mais à condition que la rémunération des autres actes soit suffisante pour que cet effort ne soit pas, une fois encore, subi plus durement par ceux auxquels on laisse la charge d’assurer le maillage.

 

Une réforme fondamentale

Qu’attend le CSN pour jouer pleinement son rôle en permettant à ceux qui s’intéressent au sujet de faire toutes les simulations nécessaires, y compris les plus fantaisistes ? L’exemple du site www.revolution-fiscale.fr et de ses simulateurs, ouverts à tous, devrait être suivi au sein de notre profession. Notre intranet par sa confidentialité permet ce genre de prouesse. Si les outils statistiques nécessaires étaient enfin mis à la disposition de tout notaire souhaitant aménager le tarif, il ne faudrait pas longtemps pour constater qu’une réforme fondamentale est possible. Une réforme qui ne spolierait pas les uns au profit des autres, mais intégrerait tous les paramètres permettant de toucher au triple idéal de liberté (de choix pour le client), fraternité (entre notaires et entre citoyens) et égalité (devant le service public notarial) (2).

 

1. Cf. article paru dans le dernier numéro de NVP affirmant que cette réforme était à destination des petites études rurales…

2. Cf. N2000 N° 491, « Selon que vous serez puissant ou misérable ». Tous les anciens articles sont disponibles sur le site web de la revue.