Désormais, il est possible d’indiquer aux médecins sa volonté de limiter ou d’arrêter les traitements thérapeutiques dans le cas où l’on serait en fin de vie. Si le décret d’application du 6 février 2006 détermine les conditions de validité, de confidentialité et de conservation de ces directives anticipées, l’impasse est faite sur la forme authentique. Toutefois, le texte ne l’exclut pas pour autant…

 

Respecter la vie, accepter la mort, reconnaître la volonté du malade. Le regard de notre société sur la mort est paradoxal : on dénie la mort et, en même temps, on redoute la fin de vie, qui éveille l’angoisse de la souffrance et l’appréhension de la déchéance.

C’est la demande de Vincent Humbert (1) et les suites tragiques de cette affaire, qui ont déclenché la réflexion de la société française sur la gestion de la fin de vie dans les hôpitaux et sur le choix de sa propre mort. On s’est ainsi rendu compte combien le sujet était tabou, y compris dans les services hospitaliers où les pratiques médicales étaient en totale opposition avec le droit. Après huit mois d’auditions (2) et de travaux parlementaires, le législateur a admis, dans la loi du 22 avril 2005 (3), un droit à “laisser mourir” tout en refusant le suicide médicalement assisté aux patients en fin de vie.

Cette loi a également introduit le concept du testament de vie, donnant la possibilité à toute personne majeure de rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. La reconnaissance des directives anticipées permet ainsi aux malades en fin de vie, c’est-à-dire en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, d’indiquer aux médecins sa volonté de limiter ou d’arrêter tout traitement thérapeutique.

 

En pratique…

Alors que rien n’était prévu dans la loi sur les modalités de rédaction des directives anticipées, le décret d’application du 6 février 2006 (4) détermine les conditions de validité, de confidentialité et de conservation de ces directives. Ainsi le nouvel article R. 1111 17 du Code de la santé publique définit les directives anticipées comme un document écrit, daté et signé par leur auteur. S’il est dans l’impossibilité de le faire, le patient peut demander à deux témoins d’attester que le document est l’expression de sa volonté libre et éclairée.

À la demande du patient, le médecin peut également faire figurer en annexe de ces directives, une attestation constatant son état d’exprimer librement sa volonté. Les directives anticipées sont modifiables et révocables à tout moment, sans formalité. Leur validité est de trois ans, renouvelable par simple décision de confirmation signée par leur auteur. Toute modification intervenue dans le respect de ces conditions vaut confirmation et fait courir une nouvelle période de trois ans. Les directives anticipées sont conservées dans le dossier médical constitué par le médecin traitant ou par l’hôpital. Elles peuvent également être gardées par leur auteur ou encore être confiées à un proche. Toute personne admise dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social peut signaler l’existence de directives anticipées ; cette mention ainsi que les coordonnées de la personne qui en est détentrice sont portées dans le dossier médical.

 

Et les notaires ?

Les conditions de rédaction des directives anticipées ressemblent sensiblement à celles du testament olographe. En cas d’incapacité à rédiger soit même, il est prévu l’intervention de témoins, comme pour un testament notarié.

La loi nouvelle permettant que cet acte soit sous seing privé ou notarié, pourquoi les notaires ne recevraient-ils pas des directives anticipées authentiques comme ils le font déjà pour les testaments ? Certains notariats européens (Allemagne, Belgique, Espagne) rédigent déjà des directives anticipées authentiques. Ainsi, les notaires belges et allemands établissent des testaments de vie en même temps qu’ils reçoivent les mandats d’incapacité future ou les testaments (mais par un acte distinct). Le patient en fin de vie est vulnérable et le notaire doit contribuer à sa protection.

Il n’est pas souhaitable que les directives anticipées soient établies au moyen d’un formulaire type, remis au moment de l’admission à l’hôpital. Certes, c’est une formalité simple et pratique pour l’équipe médicale, mais la gravité des directives anticipées ne permet pas une standardisation de ce type de dispositions, ni qu’elles soient remplies à la hâte au secrétariat de l’hôpital. Assurément, l’intervention d’un tiers, comme le notaire, permettrait de garantir que les directives anticipées ont été rédigées sans contraintes, d’assurer une rédaction précise et d’interdire toute contestation postérieure.

Au même titre que le mandat de protection future, espérons que les directives anticipées seront développées dans cette boîte à outils innovante que se propose d’apporter le prochain Congrès national. À tout le moins, souhaitons que ce nouvel instrument du notaire dans l’expression des libertés individuelles, fasse l’objet de débats à Strasbourg et ne soit pas le grand oublié !

 

(1) Vincent Humbert, “Je vous demande le droit de mourir”, M. Lafon, sept. 2003

(2) MJN a été auditionné le 16/02/2005 par des sénateurs.

(3) Loi n° 2005-370 relative aux droits des malades et à la fin de vie (modifiant le code de la santé publique).

(4) Décret n° 2006-119 du 6 février 2006, relatif aux directives anticipées.