Confraternité, voilà un mot qui agite nos panonceaux ! On l’emploie souvent au début et à la fin de nos missives professionnelles, on s’en enveloppe dans nos relations et autres assemblées. Et pourtant a-t-il, aujourd’hui chez nous un sens vrai et profond ? Ce sens “fraternel” est-il vécu et respecté ? Les optimistes répondront le plus souvent, oui, tandis que les autres émettront des doutes. Mais il est un domaine où l’irritation agite une rébellion quasi contentieuse : le monopole dans le monopole.

Les exemples de cette rébellion abondent : les prêts et mainlevées bancaires, les premières ventes en copropriété, etc. Les tensions qui émaillent nos relations dans ce domaine ne méritent-elles pas réflexion ? La dernière mouture de Notaires Vie Professionnelle (n° 253 p. 39 et 40) démontre parfaitement, sous la signature de Jean-Dominique Mathias, l’aspect juridique et déontologique de la question à propos des procurations bancaires. La clarté de ce rappel réglementaire met en lumière sa nécessité. Les nombreux manquements, refus, crispations, qui jalonnent ces parcours, remontent parfois vers les Chambres mais aigrissent toujours nos “confraternités”. La pierre angulaire qui justifie le système est la participation aux honoraires. Sans doute, faudrait-il interroger les notaires sur son bien-fondé (Notariat 2000 fera peut-être un sondage…). En attendant, pronostiquons une forte minorité d’opposants ou une petite majorité de « contre »…

 

Partage des émoluments

Pour nourrir un débat déjà amorcé avec Jean-Marie Celer dans ces colonnes (N2000 452, p. 26) n’est-il pas vrai que le principe fondateur de notre existence repose essentiellement sur le service dû à tout client demandeur, sans exclusive ni restriction, et même sans possibilité de refus ? Alors, pourquoi une banque désireuse de recevoir les conseils de son notaire, un promoteur, un vendeur ou un acquéreur, selon nos clivages “oc-oil” !, se verraient-ils privés de ce recours notarial pourtant jugé essentiel ? Ambiguïté ordinaire qui rappelle l’histoire du “beurre et de l’argent du beurre”. Nous voilà ramenés à « nos sous » ! On veut garder « son client », mais en éliminant celui de son « excellent » confrère ! En fait, on ne veut pas partager les émoluments… Chacun devra se faire « honorer » par le sien. Tendance qui s’inscrit bien dans l’atmosphère individualiste ambiante.

 

Rémunération hors actes

Certes, des abus de position dominante existent, comme ce notaire d’une mairie qui se contente d’une lettre pour passer à la caisse. À l’inverse, sait-on le service réel juridiquement rendu par l’émetteur de la « lettre » ? Alors, bien sûr, se pose l’éternelle question de savoir se faire payer « hors acte ». Certains, trop peu nombreux, y parviennent, tel Michel Bignon dont on se souvient du livre très engagé. Il est vrai que rien n’est fait pour promouvoir et encourager vraiment la pratique quotidienne du hors monopole qui aérerait sans doute nos petites mesquineries. Nous revoilà dans le développement, c’est pourtant la même histoire ! En attendant les évolutions auxquelles nous risquons d’être confrontées, il nous faut pourtant revenir à nos « fondamentaux ». Tout client, physique, moral, public, a le droit d’être servi, en toutes circonstances, par le notaire de son choix, dont il peut changer. À nous de savoir nous supporter, faute de vouloir nous aider. Nous vivons d’un monopole. Ne le risquons pas dans des querelles de boutiquiers à propos du même concept, mal vécu à l’intérieur ! Ne serait-ce pas un comble ?