Pendant les fêtes de Noël, Frère Samuel Rouvillois, prêtre de la communauté Saint-Jean, spécialiste des questions d’éthique managériale, a confié à un journaliste du Figaro : “Cette crise a révélé le danger de notre aspiration à la toute-puissance.” Une analyse de la crise sous l’angle spirituel qui m’inspire plusieurs idées, proches du bon sens, mais qu’on oublie fatalement…

 

Spécialiste d’éthique managériale (intervenant au Medef et à l’association Progrès du management) et auteur notamment de « L’Homme fragile » (Éditions Éphèse, 2009), Frère Samuel nous a habitué à poser un regard spirituel sur la société. Dans Le Figaro, il fait trois constats.

• “Le système de protection sociale ne remplace par la rencontre des personnes”. Il est évident que la main ou le regard de Mère Térésa, du père Ceyrac ou de Sœur Emmanuelle peuvent apporter le bonheur là où la protection sociale échouera. La République laïque a chassé la charité, le mysticisme, le don de soi… et l’on constate que l’Etat ne sait pas et ne peut pas tout faire.

 

• “La rentabilité d’une entreprise est une condition sine qua non, pas une finalité…”.

Sur ce point, nous savons ce qu’il en est, dans le monde marchand, des entreprises qui sont délocalisées pour créer du profit. L’équilibre entre compétitivité et rentabilité est extrêmement difficile. Qui pourrait le nier ? Mais honnêtement, serait-il aussi périlleux à trouver dans l’espace du droit où agissent encore une majorité de professionnels libéraux individuels ? Evidemment non ! On peut donc s’étonner que les tensions sociales puissent ne pas trouver mieux qu’ailleurs des solutions concertées. Ne donnons pas raison à ceux qui pensent que le professionnel libéral est trop souvent un caractériel se prenant pour Dieu…

 

• “Il faudrait revenir à une démocratie fondée sur des corps intermédiaires, des communautés d’existence durables, des points de repères sociaux durables (…). Des réseaux de personnes qui contribuent au bien commun en choisissant précisément une certaine stabilité. Par exemple : une association familiale, un médecin qui choisit délibérément de rester au même endroit pendant vingt ans ou encore un entrepreneur qui vendra son entreprise non pas au plus offrant, mais à celui qui assurera une stabilité aux employés de l’entreprise”. Ce troisième point nous apporte la lumière, l’espoir, sous la forme d’un constat que nous connaissons bien et que le Président de la République devrait reprendre à son compte, lui qui, il n’y a pas si longtemps, faisait l’éloge de nos origines et prenait plaisir à rappeler que nous sommes issus de la chrétienté.

 

Maillage territorial

Le père Samuel rappelle le livre de la Genèse : “La vocation humaine n’est pas celle de la perfection, mais de la bonté”. Question : est-ce dans la création d’énormes entreprises du droit inhumaines, associant pêle-mêle des notaires, des avocats, des experts-comptables, dans la désertification notariale des campagnes, dans l’abandon de la notion d’officier public chargé de délivrer l’authenticité, que le consommateur citoyen trouvera une réponse et un apaisement ? Le frère Samuel en doute lorsqu’il suggère, à l’inverse de toutes les tendances actuelles au seul nom du critère de rentabilité, qu’un médecin puisse demeurer vingt ans au même endroit, qu’un entrepreneur puisse céder à quelqu’un de proche qui favorisera la stabilité de tous… Qui s’en étonnerait parmi la majorité des confrères, lesquels ont passé trente ans et plus dans la même ville et à la même adresse ? Qui s’en étonnerait parmi les retraités qui ont cédé leurs office ou leurs parts à un collaborateur formé dans l’office notarial ou à proximité ? Le maillage notarial n’est donc pas une vue mesquine et rétrograde de la profession. C’est une nécessité qu’il faut rappeler fermement au Garde des Sceaux. Il va de soi que la stabilité des offices et la sauvegarde du statut libéral individuel ne va pas à l’encontre de structures importantes dans les grands centres. Il est évident que le service de l’authenticité doit s’adapter aux nécessités de l’époque, se spécialiser, bien faire et le faire savoir, assumer sa mission avec plus de transparence, organiser en son sein une véritable démocratie… Après tout, est-il étonnant que le rappel du bon sens et de quelques évidences soient énoncés par un prêtre ? L’église a 2000 ans, le Notariat plus encore. Ils constituent deux institutions nationales pérennes.