Sincèrement, je suis déçu… Moi qui pensais enfin trouver dans le livre « Les Notaires » des réponses aux questions qui me taraudent sur notre profession, je dois bien avouer que je suis resté sur ma faim. C’est tout ce que Laurence de Charrette et Denis Boulard ont trouvé à dire sur « la profession la plus puissante de France » ? Tiens, si j’étais un « Français d’en bas », je crois que j’exigerais remboursement !

 

Il faut reconnaître que l’exercice est difficile : il est de notoriété publique que le mot « notaire » fait vendre. Chaque fois qu’une revue titre « Les notaires », j’ai un mal fou à en trouver un exemplaire dans les maisons de presse de ma lointaine province : toutes ont été dévalisées ! Et pourtant, il faut être rapide, car les réactions ne tardent pas, elles ! C’est pourquoi tout mauvais journaliste voulant se faire du fric rapidement, choisira un titre dans lequel il y aura le mot notaire. C’est généralement bien plus vendeur que le mot « Plombiers ». C’est curieux du reste, car toute personne ayant déjà eu la joie de patauger dans les conséquences d’une fuite non maîtrisable, vous l’assurera : le plombier, à cet instant, est plus précieux qu’un envoyé de Dieu sur cette terre ! Mais c’est ainsi : les notaires sont nimbés d’une aura exceptionnelle qui en fait le sujet « bankable » par excellence. Hélas, une fois le titre trouvé, on constate vite qu’il est pour ainsi dire impossible de parler du notariat si l’on n’a pas la « chance » d’être à l’intérieur. J’en suis la preuve vivante (et nous sommes nombreux sans doute) puisqu’au moment de déterminer mon orientation, j’ignorais absolument tout de cette profession. Tout ? Pas vraiment. J’avais entendu, comme tout un chacun, la longue litanie des fins de repas au cours desquelles se trouvent souvent accolés les mots « cette canaille de… » (mettez le nom du notaire de votre choix) et j’en passe de bien pires.

 

Peut-on vivre sans notaire ?

Alors… Que dire ? Qu’apprend-on sur la profession, à la lecture de cet ouvrage ? Tout, en vrac. Mais est-ce réellement intéressant ? Que nous dit-on sur les professionnels ? Rien… ou si peu. Il me semblait avoir compris qu’on ne devait en aucun cas tirer une conclusion générale de cas particuliers. Pas d’étude objective, pas d’argumentation précise et détaillée qui permettrait, en toute conscience, même au plus intégriste d’entre nous, d’accepter l’idée qu’il est inévitable de supprimer la profession ou, tout au contraire, à notre plus grand adversaire de constater qu’il est dans l’erreur. L’enquête de Laurence de Charrette et Denis Boulard n’apporte aucune pierre à l’édifice. Et la question sur notre utilité demeure… J’avoue pourtant qu’en ce domaine précis, je ne suis pas tout à fait neutre. Si j’en crois les développements de ce merveilleux opus, je suis l’archétype de ce qui ne peut pas exister. Petit notaire individuel rural, je défends cette profession depuis mon « entrée en notariat », prenant le risque de parler là où il est de bon ton de se taire tout en faisant mon possible pour rendre le meilleur service à chacun de mes clients, quel que soit son statut social et sans forcément me préoccuper du rendement de l’acte. Mon parcours ? J’ai obtenu le « C.A.P. » de notaire en bouclant le cycle par le « grand oral ». Comme sujet, j’étais tombé sur la question « Peut-on vivre sans notaire ? ». À l’époque, j’avais répondu « OUI ». Ayant eu la note maximale possible, je crois être en mesure, aujourd’hui, de prétendre que cette réponse n’est pas aussi idiote qu’elle le paraît. Elle est, à mes yeux, de la même nature que « peut-on vivre sans respirer, sans manger et sans boire ? » et mérite un développement prudent. On peut, oui, vivre sans notaire, mais dans quelles conditions ? Et combien de temps avant que la vie ne devienne, pour les plus faibles, insupportable ?

 

Moins bien et plus cher

Il faudra certainement encore longtemps avant qu’une « vraie » enquête ne vienne confirmer ou infirmer, avec des arguments probants dignes de ce nom, l’ (in)utilité du notariat. Selon toute vraisemblance, cette enquête sera même effectuée à titre posthume, après que les attaques subjectives aient mené leur œuvre destructrice jusqu’à son terme. On dit que François Mitterrand, au moment où il renonça à supprimer les notaires, aurait écrit à l’un d’entre nous : « D’autres feraient votre travail, moins bien et pour plus cher ». Si cet écrit a existé, on ne peut que regretter qu’il n’en reste aucune trace, car il constituerait le socle le plus solide que l’on puisse souhaiter pour une véritable discussion. À quand une véritable enquête ?