Un nouveau prêt hypothécaire sans remboursement la vie durant de l’emprunteur : la fin du viager ? La presse s’est faite écho du souhait du gouvernement de mettre en place un nouveau prêt inspiré du « reverse mortgage » (hypothèque inversée) d’origine américaine : le prêt et les intérêts seront remboursables au plus tard lors du décès de l’emprunteur. Francis MER et Gilles de ROBIEN (et non Monsieur Sarkozy comme la presse l’a relaté à tort) ont confié, en mars 2004, à l’Inspection Générale des Finances, à l’ANIL, au Conseil Général des Ponts et Chaussées, une mission conjointe : l’examen de ce nouveau prêt et son adaptation au marché français. Michel ARTAZ a été auditionné à ce titre. Il nous a semblé intéressant de rencontrer ce spécialiste de la rente viagère qui connaît bien ce type de prêt qu’il a essayé d’introduire sur le marché français dès 1997 sans succès. D’autant qu’à lire la presse, il semblerait que l’introduction de ce nouveau prêt pourrait mettre fin à la rente viagère. Pour Michel ARTAZ, il n’en sera rien : les deux techniques pourront parfaitement cohabiter car s’adressant à des populations différentes.
Notariat 2000 : Pourquoi vous êtes- vous intéressé à ce type de prêt ?
Michel Artaz : Nombreux sont ceux qui sont riches en capital, mais pauvres en revenus. Or la vente en viager n’est pas toujours le meilleur choix, et ce pour diverses raisons :
> leur santé est trop précaire : le viager constitue alors un mauvais choix de gestion de patrimoine,
> ils souhaitent transférer à leurs enfants une partie de leur patrimoine,
> ils souhaitent quitter leur résidence habituelle dans les années à venir.
Notariat 2000 : Pourquoi n’êtes- vous pas arrivé à le mettre en place ?
Michel Artaz : Je n’ai certainement pas passé assez de temps à convaincre les établissements prêteurs de l’intérêt de ce nouveau prêt. Ces derniers étaient réticents pour diverses raisons :
> le produit était trop marginal,
> les coûts annexes étaient trop élevés (frais d’hypothèque, assurances à mettre en place si trop grande longévité des emprunteurs…) ;
> ils craignaient des difficultés susceptibles d’apparaître lors de la succession : absence d’ayants droit, héritiers cherchant à remettre en question la dette, prétextant qu’il s’agissait d’un pacte sur succession future, ou même d’un abus de faiblesse d’avoir prêté à des personnes âgées ;
> la technique hypothécaire classique était difficilement applicable : le montant de la dette liée à la durée du prêt était inconnu ;
> une évolution incertaine de la valeur du bien donné en garantie sur une très longue période alors que la somme à rembourser progressait chaque année, les intérêts n’étant pas non plus remboursés.
Notariat 2000 : Pouvez-vous décrire les modalités de ce prêt ?
Michel Artaz : Trois types de prêts seraient envisageables : versement d’un montant unique, versement d’une allocation mensuelle la vie durant des prêteurs et enfin, combinaison des deux modes mentionnés ci-dessus : un montant unique et une allocation mensuelle plus modestes.
Notariat 2000 : Comment seront déterminées les sommes prêtées ?
Michel Artaz : Celles-ci seront étroitement liées à la valeur du bien donné en garantie, à l’espérance de vie de l’emprunteur (celle-ci sera supérieure à celle retenue tant par l’INSEE que pour le calcul de rentes viagères) et aux taux d’intérêt pratiqués lors de la conclusion des prêts : seul un intérêt fixe ou » variable mais capé » est envisageable.
Notariat 2000 : Quand la somme empruntée sera-t-elle remboursée ?
Michel Artaz : Elle le sera au plus tard dans l’année suivant le décès de l’emprunteur. Elle pourra l’être par anticipation si le bien est vendu : départ en maison de retraite par exemple.
Notariat 2000 : Quels seront les emprunteurs intéressés ?
Michel Artaz : Il s’agira de préférence de ceux ayant plus de 75 ans (avant cet âge les sommes prêtées seront modestes), ceux du viager classique, ceux qui ont une santé trop précaire (et sont donc non assurables), ceux qui souhaitent aider leurs enfants (ou petits-enfants) et ceux qui sont trop âgés pour le viager.
Notariat 2000 : Quel sera le rôle du notariat ?
Michel Artaz : Il consistera, d’une part, à déterminer la valeur du bien donné en garantie et à s’assurer de l’utilisation des sommes perçues afin d’éviter à leurs clients des placements qui pourraient leur être proposés par des intermédiaires peu scrupuleux ; d’autre part, il faudra s’assurer que les emprunteurs ont bien compris les caractéristiques du prêt (avec ses inconvénients) et qu’il est bien adapté à leur situation personnelle. Ce prêt devra également être comparé éventuellement avec une vente en viager classique : valeur occupée du bien, détermination du bouquet, de la rente viagère, du complément de rente en cas de départ anticipé. C’est pourquoi les notaires devront suivre une formation adaptée leur permettant de comparer ce prêt à la vente de la nue-propriété ou la pleine propriété grevée d’un droit d’usage et d’habitation d’un bien ou de la vente en viager classique (bouquet plus rente). Enfin, il faudra établir les actes avec prise de garanties.
Notariat 2000 : Quand ce prêt pourra-t-il être mis en place ?
Michel Artaz : Certains établissements financiers s’y préparent activement, nous de même. En effet, le rôle de l’intermédiaire sera important. Il devra aider l’emprunteur à rechercher la solution la mieux adaptée à sa situation personnelle. En revanche, aucune date ne peut être avancée. En effet, les résultats des travaux de la mission, chargée d’examiner ce nouveau prêt, n’ont pas été publiés à ce jour. Or, ces travaux devront être suivis d’une modification de la législation et dépendront également du rapport Justice-Finances qui, lui, devrait être déposé avant la fin 2004.