« Je suis convaincu que d’autres réseaux devraient exister »

 

Rencontre avec Philippe Durand, notaire à Gardanne (Bouches-du-Rhône) président du Groupe Monassier Patrimoine et Entreprise depuis mai 2004.

 

 

Notariat 2000 : Le Groupe Monassier a été pionnier en matière de démarche qualité. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Philippe Durand : En 1999, lorsque la qualité fut lancée lors de notre assemblée générale, nous avons effectivement fait figure de pionniers, et notre démarche a, les premières années au moins, été assez largement dénigrée dans la profession. Pour autant, cela n’a pas empêché 17 offices d’obtenir leur certification, ce qui représente près de la moitié des études certifiées en France. Nous considérons que le résultat est satisfaisant et nous nous félicitons d’avoir initié la démarche. La qualité au quotidien dans nos offices nous permet de rester dans une logique de progrès. C’est suivant cette même logique que nous lançons cette année la démarche que nous appelons « Stratégie Management Structure horizon 2010 » : une réflexion stratégique globale pour nous aider à piloter nos offices dans l’environnement changeant que nous pourrions connaître, en explorant tous les champs possibles.

 

Notariat 2000 : Le Groupe Monassier est-il impliqué dans la défense du notariat latin ?

Philippe Durand : Comment ne pas y être impliqué ! Notre stratégie à cet égard est la suivante : nous ne sommes pas une organisation politique et pour cette raison, nous défendons la profession par nos positions techniques et scientifiques. C’est par la reconnaissance de ses compétences que notre profession garantira sa meilleure défense. À cette fin, le Groupe charge certains de ses membres et son Centre de recherche d’étudier la mise en œuvre de chaque réforme. Nos récents travaux sur la transmission de patrimoine ont ainsi fait l’objet d’un colloque et d’une publication (1). Nous nous inscrivons également dans une réflexion internationale en travaillant avec des confrères européens et africains. Le travail en commun avec des confrères d’horizons très différents milite fortement pour le maintien et l’avenir du notariat latin.

 

Notariat 2000 : Quelle est la position du Groupe Monassier vis-à-vis de l’interprofessionnel ?

Philippe Durand : Les statuts du Groupe Monassier parlent d’un réseau monoprofessionnel. Aujourd’hui, nous nous targuons d’être notaires et de travailler entre notaires. Parfois, au gré des assemblées générales, nous évoquons l’idée d’un réseau pluriprofessionnel, mais nos fondements et notre identité nous ramènent inéluctablement au réseau monoprofessionnel. L’heure de l’interprofessionnalité n’a pas encore sonné, mais nous restons attentifs aux expériences qui pourraient être menées à l’extérieur du Groupe.

 

Notariat 2000 : Qu’en est-il de la spécialisation au sein du Groupe Monassier ?

Philippe Durand : Nous n’avons pas fait de la spécialisation un sujet particulier, et peu d’entre nous ont obtenu de certificat de spécialisation. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne sommes pas des notaires spécialisés. Bien au contraire, nous prônons la spécialisation et nos groupes de travail thématiques (droit des affaires, conseil patrimonial, international, immobilier, famille…) reflètent cette volonté.

 

Notariat 2000 : Le Groupe Monassier s’intéresse-t-il à la négociation immobilière et à la gestion de patrimoine ? Philippe Durand : Nous mettons à des rangs différents ces deux thèmes. Notre règlement intérieur prévoit que chaque étude doit se doter d’un service Négociation. Les succès sont assez divers. Certains excellent dans la matière quand d’autres n’ont jamais monté de service. La gestion de patrimoine est quant à elle un des chevaux de bataille du Groupe. Notre volonté est beaucoup plus affirmée en la matière et la quasi-totalité des études du Groupe a un service structuré dédié au patrimoine. Notre Centre de recherche est très sollicité dans ce domaine dont il s’est fait une spécialité. Nous croyons fermement en l’avenir de l’ingénierie patrimoniale dans le notariat.

 

Notariat 2000 : Comment fonctionne l’entraide dans le Groupe Monassier ?

Philippe Durand : L’entraide est au cœur du Groupe. Elle a soudé solidement ses membres depuis 15 ans. Elle peut jouer en matière de collaboration sur les dossiers de transferts de collaborateurs, de mise en place de dossiers par une étude dans une autre. L’entraide, c’est aussi s’épauler dans les moments difficiles traversés par les offices. Mais l’échange le plus constructif à nos yeux est le transfert de compétences et de savoir-faire. N’est-t-il pas plus efficace d’apprendre à creuser le puits… ?

 

Notariat 2000 : Le Groupe a-t-il une politique de franchisage ?

Philippe Durand : Non, et je ne pense pas qu’il en aura jamais une. Nous travaillons sous une bannière commune, mais nous restons attachés à notre indépendance. Je ne pense pas que le système de franchise soit adapté au notariat, et je suis beaucoup plus convaincu par la réunion d’offices, soit en réseau, soit dans des regroupements au sein de sociétés de participations financières.

 

Notariat 2000 : Comment expliquer que seul le Groupe Monassier ait pu se développer ?

Philippe Durand : La création d’un réseau demande beaucoup de persévérance et de ténacité, sans parler du temps. En l’espèce, la réussite du Groupe tient à la qualité et la pugnacité d’un homme : Bernard Monassier. Il a eu une idée, une vision, et il a su la mettre en œuvre, ne comptant ni son temps, ni son travail pour parvenir à ses fins. L’âge de raison du Groupe étant atteint, il a su, avec la sagesse qui le caractérise, laisser le réseau vivre sans lui, pour être certain qu’il se pérennisera. Je suis convaincu que d’autres réseaux pourraient et devraient exister, certain que la multiplicité de réseaux ne ferait que favoriser une saine émulation.

 

1 – Droit & Patrimoine n° 158, avr. 2007, p. 59 et s.