Il est diplômé notaire, mais a choisi la profession d’avocat. Pierre-Henri Roussel, du Cabinet Lefèvre, Pelletier et associés (Paris), était à San Francisco. Il nous livre son point de vue sur le congrès MJN, la profession, mais aussi l’interprofessionnalité.

 

Notariat 2000 : Pourquoi avoir choisi d’être avocat plutôt que notaire ?

Pierre-Henri Roussel : Plusieurs facteurs m’y ont conduit, à commencer par ma formation de conseil juridique suivie en parallèle à l’école du notariat. Je regrette d’ailleurs que la profession notariale ait manqué l’occasion d’accueillir les conseils juridiques lors de la réforme des professions juridiques. L’apport du droit des affaires aurait été certainement un élément majeur du développement du notariat et aurait permis le traitement quasi-systématique par les notaires des questions liées au droit de l’entreprise. L’essentiel du droit des affaires est aujourd’hui traité par les avocats, qui ont limitativement recours aux notaires, dans l’hypothèse de mutations immobilières à l’occasion d’une opération de fusion-acquisition par exemple. Par ailleurs, j’ai également été très intéressé par le processus suivi par les avocats, dès les années 90, pour les opérations de cessions de portefeuilles immobiliers, à travers une phase d’audit et d’analyse de pièces, de recherches d’informations, afin de valoriser au mieux les actifs. Cette démarche, à l’époque assez novatrice, est maintenant pratiquée par l’ensemble des notaires habitués à ce type d’opérations. Enfin, la pratique d’une activité contentieuse, en appoint de celle de conseil m’a semblé un atout pour valoriser ma formation initiale. L’avocat présente cette particularité d’être, à la fois, l’homme du conseil et du contentieux.

 

Notariat 2000 : Pourquoi assister à un congrès MJN ?

P.-H R : Lefèvre, Pelletier et associés, le cabinet d’avocats de nature pluridisciplinaire auquel j’appartiens, a la particularité d’être un référent pour l’ensemble des questions qui ont trait à l’activité notariale en général. Le cabinet participe, en partenariat avec la profession, à des opérations d’investissements immobiliers et de cessions d’actifs et assiste notamment les notaires et les organes professionnels dans les procédures disciplinaire, pénale ou civile (responsabilité civile professionnelle ou résolution de conflit entre associés de SCP de notaires…). Ma participation au congrès m’a permis de mieux appréhender les interrogations de la profession notariale à l’égard des nouvelles donnes économiques, qui résultent de la mondialisation des échanges et de l’ouverture des professions juridiques dans leur ensemble et de réfléchir sur l’assistance professionnelle que le cabinet pourrait, à terme, donner aux notaires, en considération de ces nouveaux défis.

 

Notariat 2000 : Quel est votre sentiment à l’issue du Congrès ?

P.-H R : J’ai été sensible à la qualité des travaux. Les congressistes ont abordé, sans tabous, les atouts, mais aussi les carences de la profession notariale à l’égard des nouveaux défis économiques. J’ai toutefois noté une certaine frilosité à aborder franchement la question du libre exercice de la profession notariale en France par des étrangers. En ce qui concerne la nouvelle procédure de changement du régime matrimonial, la réforme ne traduit pas, selon moi, une défiance du législateur à l’égard des avocats. Elle part simplement du constat de l’inutilité du contrôle juridictionnel initial. Il est apparu logique de confier aux seuls notaires le soin de veiller à la préservation des intérêts familiaux dans le cadre de la nouvelle procédure. Mais attention à bien jouer ce rôle, qui ne va pas manquer de donner lieu à des contestations, et peut-être d’éventuels contentieux. Enfin, je trouve dommage que la question du périmètre du droit n’ait pas été abordée. Les notaires donnent l’impression que cette question les laisse indifférents, comme s’ils étaient peu concernés par le débat. Or, la délimitation du champ d’activité entre les professions du chiffre et du droit est essentielle pour l’avenir des professions juridiques dans leur ensemble, et une plus grande sensibilisation des notaires serait la bienvenue.

 

Notariat 2000 : Que pensez-vous de l’interprofessionnalité ?

P.-H R : L’interprofessionnalité existe déjà dans les faits. Nombre d’opérations immobilières s’opèrent en partenariat entre notaires et avocats, aux termes d’une répartition des tâches et diligences spécifiques, dans l’intérêt du client commun. Le législateur a, par ailleurs, facilité l’interprofessionnalité, par l’instauration de la société d’exercice libéral (SEL) (1). Ainsi différentes professions, y compris celle de notaire, peuvent exercer au sein de la même société, une activité en commun. Même si, comme l’a relevé le congrès, la SEL présente certains risques, elle constitue un outil particulièrement intéressant. Toutefois, l’interprofessionnalité ne peut s’envisager qu’à travers une compétence reconnue des juristes en question. La spécialisation est, d’après moi, le corollaire indispensable à l’interprofessionnalité. On conçoit, en effet, difficilement, qu’un avocat spécialisé en droit bancaire puisse travailler de concert avec un notaire non-spécialiste en la matière, au risque de ne pouvoir satisfaire pleinement l’attente et les exigences de son client. Pour illustrer mon propos, si l’on se place sur le terrain de l’actualité juridique, différents cabinets d’avocats sont déjà à la recherche de notaires capables de maîtriser la loi récente portant sur la fiducie, qui prévoit que les actes de sûretés doivent être reçus en la forme authentique. La balle est dans le camp des notaires…

 

Cf article d’Hubert-Emmanuel Flusin, « Du SEL dans le notariat », p.20. N2000 n°488.