Ne vous méprenez pas sur ce titre ! Pas question ici de faire de longs discours sur les coutumes vestimentaires de nos confrères, de décrire l’ennui que peut provoquer le costume trois pièces gris (sombre l’hiver, clair l’été) et l’inévitable cravate célèbre à notre profession. Taisons là mes élucubrations vestimentaires, faisons fi de la mode du notaire et parlons plutôt du notaire à la mode, non pas du notaire au goût du jour, mais du notaire qui EST le goût du jour !

Certains d’entre nous sont une mode à eux tout seuls (certains diraient une institution ou un monument). Il est en effet de bon ton, dans certains milieux, de les avoir pour notaire. Qu’ont-ils de plus que les autres ? À priori rien. Ni plus ni moins compétents que d’autres, ni plus « grande gueule », ni plus discrets que d’autres. Simplement, ce sont des notaires convoités. Leur standard explose, leurs collaborateurs aussi et leur salle d’attente ne désemplit que lorsqu’ils s’offrent, enfin, des vacances bien méritées. Untel s’est peut-être fait connaître dans un milieu et sa notoriété a fait « tache d’huile », celui-ci s’est fait remarquer lors d’une brillante conférence ou lors d’une élection sans équivoque à la tête d’une quelconque organisation professionnelle ou de la vie civile. Qu’importe ! Chaque fois, c’est un faisceau de circonstances qui a fait de chacun d’eux un notaire à la mode…

 

Feux de projecteurs

Par on ne sait quel hasard, suite à l’incompétence d’un confrère proche ou encore par une publicité détournée, il arrive que, dans notre ville ou notre campagne, nous connaissions les « effets de la mode ». C’est bien, mais peu d’entre nous restent toute leur vie dans le cercle restreint des grands notaires à la mode… Ceux-là sont connus dans la profession. Parfois, leur nom nous est si familier que nous nous imaginons bien les connaître alors que nous ignorons tout d’eux et de leur vie. Ils nous font rêver et nous les envions… Car le notaire à la mode vit dans le luxe. Luxe du confort matériel (mais peu d’entre nous sont à plaindre), mais aussi luxe de pouvoir choisir ses clients. Non pas en allant les piocher dans un panier en faisant le tri, mais en ayant le privilège de pouvoir refuser un dossier ou d’envoyer paître un client grincheux, pénible ou malodorant (il y en a, je vous assure) ! Certains le font, d’autres pas, mais cela nous fait tous rêver, plus ou moins secrètement, d’être « un notaire à la mode ». Pourtant, être à la mode ne doit pas nous faire oublier notre mission première, celle qui nous contraint à recevoir tous les clients, à nous occuper de tous les dossiers, même les plus pénibles, même les plus mal payés, à servir.

 

Servir

S’offrir le luxe de « trier » ne remettrait-il pas en cause jusqu’aux fondements mêmes de notre profession ? Qui pourrait encore justifier notre existence par une mission de service public ? N’oublions pas que la mode n’est qu’un phénomène éphémère. Qu’une fois passé de mode, on devient ringard. Que les modes changent et que ceux qui la faisaient un jour seront remplacés par ceux qui la feront demain. Finalement, ne vaut-il pas mieux être un notaire au goût du jour que le goût du jour lui-même ?