Nos dirigeants politiques, les associations de consommateurs, nos instances professionnelles et nous-mêmes serions-nous tous devenus fous ? Il n’est qu’à regarder l’évolution de nos actes de vente pour se poser sérieusement la question.
Nos dirigeants, dans un louable souci de « protection du consommateur » ou d’ouverture de parapluies, ne cessent de légiférer avec frénésie, empilant les législations les unes après les autres, sans aucune vision d’ensemble, ni souci des conséquences. Les associations de consommateurs ne réagissent pas, restant dans leur rôle du « tout protection », du « consommateur irresponsable », et ne voyant que « l’apparent ». Nos instances ne bougent pas plus que nous. Nous attendons tous des « directives », incapables de prendre la moindre décision, comme tétanisés. Pourtant, il y aurait urgence…
Trop d’info, tue l’info
L’établissement d’un acte de vente ou de bail est devenu un assemblage de contrôles et certificats en tout genre, variables en fonction d’une quantité de critères qui ne cessent d’évoluer. Le notaire est un centralisateur et un archiviste desdits certificats, qu’il conservera pendant des générations.
On ne sait pas très bien quel en est l’intérêt, ni où iront s’empiler tous ces documents, mais la numérisation arrive et l’on nous promet qu’elle va tout régler ( ?). Quant à la qualité de nos actes et leur contenu, mieux vaut sans doute ne pas se poser de questions. Il est douteux que l’avalanche d’informations fournie soit toujours indispensable, et que le « consom-mateur » acquéreur ou locataire en retienne autre chose que l’anecdote (existence d’une coulée de boue survenue à Nantes le 8 décembre 1982), ou qu’elle lui soit d’une quelconque utilité (existence de dalles “pouvant” contenir de l’amiante).
Ces certificats ne sont pas forcément pertinents : risque majeur dans une commune voisine non signalé, contradiction entre les diagnostics amiante des parties communes et des parties privatives… Trop d’information tue l’information ; nous sommes à saturation. La lecture d’un acte n’est plus qu’une longue litanie censée informer de TOUS les risques encourus par l’acquéreur ou le locataire. À quand la signalisation de l’existence des moustiques ou du bruit des oiseaux ? Quant au rôle classique du notaire, on se sait plus très bien s’il peut encore l’exercer, ou s’il est devenu un bureau de contrôle, style Véritas ou Socotec.
Le tout protection
Tous ces contrôles, diagnostics et plans de prévention représentent un coût non négligeable pour le « consommateur », rallongent les délais et sont un véritable casse-tête pour nos clercs. Mais que dire de tout le processus de formation du contrat, censé lui aussi protéger le consommateur ? Que penser du rôle dans lequel le notariat s’est laissé cantonner (délais de rétractation et de réflexion, mentions manuscrites) ? En quelques années, nous avons pris conscience que tout n’était pas parfait, et qu’il fallait entourer l’acquéreur d’un minimum de protection, pour, petit à petit, atteindre la parano et sombrer dans la folie. Peut-on arrêter ce délire collectif ? Jusqu’où peut-on continuer cette fuite en avant ? Nous sommes les premiers concernés, les seuls à voir ce qui se passe sur le terrain, et à priori capables de proposer des solutions.
• Le compromis, tel que nous le connaissons, a-t-il encore sa place ? Pourquoi ne pas le remplacer par un contrat de réservation, style vente en l’état futur d’achèvement ?
• Tous ces diagnostics et toutes ces informations qui se périment, pourraient être unifiés et faire l’objet d’un seul dossier technique, notifié AVANT à l’acquéreur.
Ce dossier technique suivrait l’immeuble, et ne serait pas à reconstituer intégralement à chaque mutation ou location 1. N’ayons pas peur d’aborder ce sujet de front : nos congrès sont là pour cela. En consacrer un à ce thème, en le clôturant par une proposition de loi déposée au Parlement est-il irréaliste (ou politiquement incorrect) ? Sommes-nous réellement une « force de proposition » ou préférons-nous rester une « force de soumission » ? Devons-nous continuer à promouvoir le notariat latin, et à mettre en avant le notariat français ? Décidément, ils sont devenus fous ces Gaulois ! Le ciel ne va pas tarder à leurs tomber sur la tête.
1- Cf également site www.sosnotaires.com/poinvu, rubriques compromis, dossier technique et protection du consommateur.