Il était une fois une profession formidable : pensez donc, une émanation du droit latin, le seul, le vrai. Elle en était devenue à la fois la meilleure application et le principal pilier, prenant racine dans les aspirations personnelles et collectives de la société et se dressant pour soutenir un édifice juridique libérateur, protecteur et régulateur….
Jamais meilleur concept n’avait été trouvé : le service public sans administration, la sécurité sans renoncer à la liberté, des prestations high-tech mises en œuvre pour tous les dossiers (qu’ils traitent de 1 000 € ou de 1 000 000 €), l’accès au droit (géographique et financier) pour tous !
Si la première puissance mondiale avait mis en place, en temps voulu, une telle profession (que dis-je une telle organisation sociale), la crise mondiale n’aurait été qu’un film catastrophe de série B, un cauchemar disparaissant avec l’aube ! Mieux, si tous les pays émergents avaient adopté, toujours en temps voulu, une telle “organisation sociale”, la sécurité juridique instituée leur aurait permis un développement plus rapide.
Des riches toujours riches, des pauvres moins pauvres…Nous serions toujours en pleine croissance, nous préoccupant seulement du développement durable et des énergies du futur… Une seule conclusion devient possible : la prescription à l’échelle planétaire du droit latin et du notariat français.
Et l’acte d’avocat ???
Il était une fois… Ah ! ça y est ! Les enfants dorment, le livre de contes est refermé et les adultes retournent au salon pour reprendre à mi-voix leurs réflexions sur la proposition Sark…, pardon Blanc.
Fallait-il y suspecter un réceptacle voué à recevoir des ventes immobilières dès 2012, cantonnant alors le notaire dans un rôle d’officier public substituant les conservateurs des Hypothèques et publiant l’acte d’avocat via Télé@actes après vérification formelle et moyennant salaire ? Ou bien ne s’agissait-il simplement que d’une demande légitime de création d’un nouvel outil juridique permettant à une profession “en pleine croissance” (sic !) d’offrir à sa clientèle une nouvelle prestation sécurisante ?
Très vite, un argument décisif tranche le débat : si elle restait cantonnée aux activités habituelles des avocats, cette nouvelle prestation ne pourrait pas apporter un seul euro supplémentaire à leur chiffre d’affaire et leur serait aussi utile que le nucléaire civil pour l’Iran (2e réserve mondiale de pétrole et de gaz).
La cause était entendue : l’acte d’avocat servirait bien à réaliser des ventes immobilières, et il ne restait aux notaires que deux alternatives : • Soit ils acceptaient le changement et devenaient ces Officiers Publics dont rêvent les européens : ne dispensant plus le droit mais l’enregistrant et en donnant acte ;
• Soit il fallait tout mettre en œuvre pour sauver cette exception culturelle française. Choix unanime ! Pas question de figurer au classement des espèces menacées en voie d’extinction !
Compte à rebours
Devant l’absence de dates concordantes pour le dépôt du projet de loi sur le bureau de l’Assemblée Nationale et la tiédeur constatée des ministères d’Etat et de la doctrine en général, il fut décidé de mettre à profit le compte à rebours pour :
Négocier d’urgence des amendements qui repeindraient le texte Sark…, pardon Blanc, en gris acceptable ;
Signifier clairement que, sans ces amendements, le texte serait fermement et catégoriquement rejeté par l’ensemble de la profession et ses appuis (cette négociation ayant au moins l’intérêt de générer un report du délai de grâce).
Démontrer l’unité et la motivation de la profession en fermant pendant 2 jours tous les Offices pour cause de participation aux assises du notariat (grand spectacle en vue : le Stade de France rassemblera 50 000 notaires et collaborateurs qui, devant les médias, donneront 24h/24 des consultations gratuites et signeront en grande pompe une centaine d’actes dématérialisés !).
Présenter à nos autorités et à des parlementaires réceptifs le projet de réforme en profondeur du statut de notaire issu de ces assises, pour lequel le monopole de l’immobilier sera justifié non par les nécessités de la publicité foncière et du formalisme de l’acte, mais par la qualité d’Officier Public.
Les adultes, satisfaits, mirent fin à la réunion. Ils se séparaient d’un air grave, déjà préoccupés par l’ampleur de la tâche à accomplir, quand l’un d’eux demanda : “Et si cela ne suffisait pas ?”. Un autre lui répondit froidement : “Il y a un autre conte dans le livre : l’histoire d’une belle et courageuse chèvre blanche qui, sortie de son enclos protecteur, a combattu toute la nuit avant de succomber au matin, dévorée par les loups…”