Le notaire, c’est d’abord la sécurité ! L’Assemblée de liaison, qui a choisi le thème de la sécurité en décembre prochain, va le démontrer à juste titre. Oui, mais dans quel cadre ?

 

La compétence géographique de chaque notaire demeure entièrement cantonnée aux “anciennes” frontières, alors que nos clients se déplacent, en nombre, dans toute l’Union. La France et ses notaires ne sont pas un petit îlot coupé du monde. La sécurité doit s’inscrire dans l’espace juridique européen, c’est sans nul doute une chance de salut à saisir. Il ne s’agit pas seulement de faire circuler l’acte authentique (ce qui reste indispensable), mais de faire en sorte que les notaires puissent circuler pour et avec “leurs nationaux” dans l’Union. L’acte contresigné d’avocat sera sans nul doute utilisé comme un atout par nos concurrents en ce domaine, n’ayant pas de chaîne (géographique) aux pieds. L’élargissement de notre compétence géographique à l’espace européen est une contrepartie rêvée à obtenir à l’acte contresigné et une sortie par le haut. La meilleure réaction possible a toujours été l’attaque, en partant à la conquête de l’Europe pour suivre “nos” clients. Nous emmenons dans nos serviettes de notaire non seulement des valeurs de paix, d’équilibre, de rayonnement des valeurs de la France, mais aussi des secteurs entiers de l’économie comme les banques françaises, les compagnies d’assurance, le bâtiment, l’ingénierie française, et toutes les expertises nationales dans le monde. “Ne nous laissez pas dans nos casernes…”

 

Notaire exportateur

L’idée du “notaire exportateur”, qui suit ses clients, a été développée par le Congrès Jeune Notariat à San-Francisco. Elle n’a rien de fantaisiste : les notaires québécois l’ont depuis longtemps (art 3110 du Code civil du Québec). À défaut, l’influence de droit civil aurait déjà disparu depuis longtemps dans la mer de Common Law du continent Nord-américain… Dès qu’il existe un lien de proximité suffisamment étroit et très précisément défini (c’est-à-dire la situation d’un bien au Québec “OU” le domicile de l’une des parties au Québec), le notaire québécois peut recevoir à l’étranger un acte authentique selon les formes et exigences du droit québécois. Le congrès JN a proposé que le notaire français puisse signer partout dans l’Union (ailleurs aussi) : • des actes avec force “probante” si l’une des parties est française ; • des actes avec également force “exécutoire” si toutes les parties sont françaises et si l’objet du contrat est en France. Une simple modification, uniquement par voie réglementaire, de l’article 8 du Décret n°71-942 du 26 novembre 1971 suffit. Le ministère des Affaires étrangères a accueilli l’idée du Congrès MJN favorablement, mais cette nouveauté n’était pas dans l’air du temps auprès de Mme la Directrice des Affaires Civiles du ministère de la Justice. Je reste persuadé que notre Ordre peut reprendre le relais avec succès…

 

Perspectives de développement

Il s’agit de la sécurité de nos concitoyens qui ne savent à quel droit se vouer. Nous aplanirons ainsi en amont les difficultés des Français qui vivent notamment dans l’espace européen. De grandes perspectives de développement s’ouvrent pour les juristes de tous les pays de l’Union (spécialisations, carrières…). Pensons à nos jeunes diplômés notaires et collaborateurs. Nous disposons d’une fenêtre exceptionnelle et éphémère de tir. À plusieurs reprises, M. Barrot, commissaire européen, a invité ardemment les notaires à “construire cet espace judiciaire européen au service du citoyen”. “Les frontières physiques sont tombées, mais les frontières juridiques persistent” et “les droits ne circulent pas avec les personnes”. Il nous a indiqué la feuille de route : “Il ne s’agit pas de changer nos droits nationaux, il s’agit de les connecter”. Connectons-nous ! Cela crève l’écran.

 

Challenge

Limitée aux actes concernant les nationaux, cette extension n’entraîne aucune concurrence entre notariats, puisque chacun restera bien le conseil de son client “national”, ni aucune incidence sur l’interdiction d’installation dans un autre pays européen. Le dossier et le conseil seraient traités entièrement dans le pays d’origine et la signature réalisée, selon le cas, avec un notaire d’un autre pays de l’U.E. Les honoraires pourraient être partagés selon des règles de réciprocité entre notaires européens (gagnant/gagnant). Nous répondrions ainsi à la “grande invitation” de M. Barrot, faite notamment au Congrès européen des notaires à Varsovie (2008), de pérenniser “la grande tradition notariale européenne”. À un moment où notre profession va se trouver déstabilisée par l’acte contresigné par avocat, le challenge européen de la sécurité constitue une opportunité exceptionnelle de mettre en œuvre notre cohésion et nos forces de proposition !