L’idée d’une profession unique du droit en France refait surface. Les avocats ne seraient pas contre. Quid des notaires ?

 

Il y a quelques années, nous pensions avoir perdu la bataille du PACS, tout du moins dans sa forme authentique. Il a fallu l’intervention du législateur pour rétablir les choses. Aujourd’hui, nous partageons cette compétence avec les avocats, mais laquelle des deux professions en rédige le plus ? Les notaires qui conseillent souvent le PACS aux jeunes acquéreurs non mariés, notamment depuis la réforme de la fiscalité successorale, encore que les effets civils, sur la quotité disponible notamment, ne soient pas les mêmes. Nous voilà maintenant en pleine guerre du divorce par consentement mutuel. Guerre d’autant plus sournoise que ni l’une, ni l’autre des deux professions ne l’a déclarée. Quelle en sera l’issue ? Personne ne peut le prédire, mais toujours est-il que cet événement suscite de profondes réflexions dans nos professions respectives.

 

Grande profession du droit

Ainsi, les avocats relancent l’idée d’une grande profession, incluant outre les notaires et les avocats, les avoués près les Cours d’Appel. Le président du Conseil national des barreaux (CNB), Paul Albert Iweins croit « à la nécessité de repositionner les différentes professions, voire de les fusionner ». De son côté, Pascal Eydoux, président de la Conférence des bâtonniers, envisage également favorablement la création d’une « grande profession du droit » (1). Serait-ce à dire que, sentant le vent tourner en faveur du notariat, les avocats préfèreraient une fusion de nos professions plutôt que de voir leur activité réduite à la peau de chagrin de la postulation ? Du côté des notaires, qu’en est-il ? On croit se retrancher derrière la publicité foncière, et la mise en place de Télé@ctes nous laisse penser qu’en cas de réussite, notre avenir est assuré. On murmure même que la publicité foncière pourrait nous être déléguée en totalité… Mais n’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt ? Qui peut nous assurer que les Pouvoirs publics ne nous imposeront pas d’ouvrir nos compétences aux avocats, qu’ils ne nous obligeront pas à leur faire partager notre savoir et surtout nos outils technologiques ? Penser que notre profession ne tient qu’à un simple outil informatique, si performant soit-il, fait froid dans le dos…

 

Ne pas subir

Mais ces visions belliqueuses, ces petites victoires révèlent une étroitesse d’esprit. Les « étroits » des deux bords (les avoués gardant pour l’instant un silence inquiétant) seraient prêts à se déclarer la guerre. Certes, les avocats montrent une ouverture réelle pour une profession unique, mais quelle est leur motivation ? Ont-ils plus à gagner que nous dans cette profession unique ? Vu leur empressement et nos réticences, il est fort à parier que oui… En ce qui nous concerne, nous ne pouvons même pas, par le biais de SEL, croiser nos intérêts dans la profession de l’autre. Alors une profession unique… Pourtant, plutôt que d’attendre que les Pouvoirs publics l’imposent, avocats et notaires n’auraient-ils pas intérêt à créer cette profession unique ? Ne devraient-ils pas en jeter les bases pour qu’elle se construise harmonieusement ? Si les notaires avaient pour seule autre alternative le fonctionnariat, il est fort probable qu’ils lui préféreraient la profession juridique libérale unique (2). Dès lors, pourquoi ne serions-nous pas « acteurs » de cette fusion au lieu de la subir et d’en être les « spectateurs impuissants » ? Pourquoi avocats et notaires ne se donneraient-ils pas la main pour créer, eux-mêmes, « l’unique profession du droit » et faire en sorte que la guerre des « étroits » n’ait pas lieu ?

 

1.Cf. Droit et Patrimoine n°167, février 2008, page 10, « Grande profession du droit : les avocats relancent le débat », L. Garnerie. 2Cf N2000 n°484, mai 2007, page 36, « La lutte finale ? », Laurent-Noël Dominjon.