C’est à New York, terre de culture et de philanthropie, que le congrès MJN a fait étape du 7 au 11 novembre dernier. L’occasion pour Annie Lamarque, notaire à Collioure, présidente de ce 44e congrès, de plancher avec son équipe, sur le mécénat et la philanthropie et de faire du notaire un promoteur de générosité.
Le rapport (remarquable), laissait déjà augurer un beau congrès. Le congrès MJN 2013, qui s’est tenu en novembre dernier à New York sur le thème du mécénat, n’a pas failli à ses promesses. D’emblée, Annie Lamarque, notaire à Collioure, a positionné le notaire comme un acteur de générosité, « un maillon indispensable de la chaîne du don ». Présidente impliquée, maîtrisant le sujet sur le bout des doigts (elle est délégué mécénat au CSN), elle avait choisi Fabrice Luzu (Paris) comme rapporteur général (déjà repéré en 2012 lors du 108e congrès national des notaires où il présidait une commission). Le reste de l’équipe était composé de Marie-Caroline Barrut (Lyon), Alexandra Etasse (Paris), Sophie Gonsard (Vesinet, Groupe Althemis), Laurence Puig (Rivesaltes), Maria Tazi-Boucher (Bordeaux) et Samy Rebaa, conseiller en stratégie mécénat (Sète). Le rapport de synthèse était assuré par Sophie Schiller.
Hommage à Louis Reillier
Dans son dis-cours d’ouverture, Annie Lamarque a rendu hommage à Louis Reillier, le père fondateur du Mouvement (et de Notariat 2000 !) pour les valeurs qu’il a transmis. Pour lui, « servir la profession », c’était « d’abord être utile à la société » a-t-elle rappelé.
Fondation
Le notaire est-il personnellement concerné par le mécénat ? Mais bien sûr que non, aucunement ! Toi, lecteur, par exemple, tu n’as rien à donner, bien sûr ?! Et puis ton personnel, il n’a aucun intérêt à s’impliquer dans une mission collective… L’étude n’a nul besoin d’un « supplément d’âme » pour s’élever au-dessus des contingences du moment. Sans compter, braves gens, qu’une œuvre qui valoriserait le notariat, c’est impossible. Eh bien détrompez-vous ! Trois fondations ont déjà été créées par le notariat. Le premier qui les trouve gagne un abonnement gratuit pour un de ses collaborateurs !
Acteur et passif
Un mécénat puissant, c’est possible ! Figurez-vous que dans les musées de Manhattan, au lieu de trouver une salle pour les impressionnistes, une salle pour l’abstrait, une salle pour le pop-art, on tombe sur une salle « M. & Mme Vandertruche », une salle « Casimir Rokfellar », etc. Bref une organisation par généreux donateurs ! N’est-ce pas un exemple à suivre ? Le mécénat a de quoi nourrir les fantasmes de tout contribuable français. Avec lui, la taxation est moins douloureuse. Car le mécénat, c’est maîtriser son impôt : ce qu’on paye en mécénat, c’est autant d’impôt en moins et les montants donnés, on sait à qui on les donne ! Bref, comme le dit Laurence Puig : « le mécénat c’est être acteur de son impôt et non passif ». Mais attention, comme d’habitude, le paradis fiscal est pavé d’embuches civiles ! Attention, le don sur succession, c’est super, mais il ne faut pas oublier la réserve des enfants de l’héritier… Plus d’infos dans le rapport.
Mécénat made in France
Philanthropie, mécénat… Forcément, cela nous met mal à l’aise, nous notaires de France. Abandonner les œuvres de bienfaisance à l’initiative privée n’est pas très « french ». On est loin des conceptions anglo-saxonnes, où l’altruisme n’est pas incompatible avec un petit bénéfice, qu’il soit social ou médiatique, bref un petit quelque chose qui flatte l’égo. Mais il faut s’y faire ! Même le fisc admet qu’une contrepartie « d’une proportion marquée » (voilà qui est clair !) ne fait pas dégénérer le « gratuit » en « onéreux » ! On aura tout vu !
Délégués mécénat
au CSN
Ils sont plus de 80. Mais le hic, c’est que les Chambres ne nomment pas toujours des personnes qualifiées ou motivées et que bien souvent, les correspondants mécénat sont un peu isolés. D’où l’appel aux bonnes volontés lancé pendant le congrès pour que la greffe « mécénat » prenne véritablement. Il existe déjà un guide mécénat. Ne faudrait-il pas rédiger un guide du « délégué mécénat » ?
Mécénat : what is it ?
Le mécénat, c’est bien beau, mais c’est quoi ? C’est d’abord un nouveau secteur d’intervention pour les notaires (si, si, on vous dit !). C’est surtout un moyen technique d’attirer l’attention des entreprises sur le travail notarial… Alors, go !?
Classement
Les USA sont 5e au World Giving Classement et la France 54e. Cherchez l’erreur.
Entendu dans la salle…
« Pour un notaire en SCP, le premier don, c’est celui de bosser pour son associé » (un notaire du Rhône).
Statue de la Liberté
Pas de congrès sans soirée de clôture. À New-York, chacun s’était habillé sur le thème « Gatsby le magnifique ». La soirée a eu lieu à bord d’un bateau voguant au large de Manhattan et autour de la fameuse statue de la Liberté. Mais sans jamais y accoster. Moralité : le notariat s’approche toujours de la liberté sans pouvoir la toucher du doigt…
L’an prochain…
Cap sur la Corse et sur Ajaccio, du 8 au 11 octobre, pour le congrès MJN 2014. Bertrand Martin (Nord) en sera le président. Il sera entouré de fidèles du MJN dont Jean-Michel Segura et Sylvie Antoine. Thème : « Le savoir être notaire ». Vaste programme !
10 Propositions
1. Définir en droit civil la notion « d’intérêt général » car une telle définition n’existe qu’en droit fiscal.
2. Renforcer le rôle et les missions des notaires « correspondants mécénat » sur tout le territoire. Ces derniers deviendraient ainsi d’authentiques notaires « experts correspondants générosité ». Ils pourraient, par exemple, assister leurs confrères. De même, à l’instar de la convention « mécénat » (signée par le CSN avec le ministère de la Culture), des « conventions générosité » pourraient être signées avec d’autres ministères.
3. Privilégier le recours au testament authentique pour les legs consentis aux organismes sans but lucratif (OBSL). Ce qui éviterait notamment à ces organismes les difficultés d’interprétation des volontés du défunt.
4. Systématiser le recours aux procurations notariées pour l’acceptation des donations consenties à des OBSL.
5. Harmoniser les conditions donnant droit à des réductions d’impôts (pour le philanthrope)
6. Ouvrir la technique de la donation-partage aux tiers et, singulièrement, aux OSBL ou permettre à une telle donation de s’imputer sur la part de réserve héréditaire des enfants s’ils y consentent.
7. Sécuriser la donation temporaire d’usufruit consentie à un fonds de dotation.
8. Encadrer juridiquement les dons consentis par internet, SMS, etc.
9. Adopter le projet de loi permettant les dons de jours de RTT
10. Constituer, à l’initiative du notariat, un fonds de dotation (FDD) afin de drainer la générosité des notaires et employés de notaires, des instances (voire des partenaires de la profession). Constituer également une fondation reconnue d’utilité publique (FRUP) qui pourrait abriter les fondations sous égide (FSE)(1) que souhaiteraient constituer les clients de notaires.
1 – Une fondation sous égide est une structure abritée par une fondation mère reconnue d’utilité publique, qui en assure la gestion et le fonctionnement.
Une présidente impliquée
Ce n’est pas un hasard si Annie Lamarque a choisi de plancher sur le mécénat. Elle en a fait son cheval de bataille depuis de nombreuses années. Elle a dirigé pendant 15 ans le Festival de Collioure qui s’appelait « Musique en cote Vermeille ». Elle a notamment participé à la création de la fondation « Mécène Catalogne ». Elle participe, également, chaque année bénévolement à une vente aux enchères des vins de Banyuls dans des conditionnements peints par les artistes de Collioure. Le profit de la vente va au bénéfice d’un groupement pastoral qui achète des brebis pour désherber les vignes. Sur un plan plus personnel, Annie Lamarque est impliquée, depuis 1988, dans une association traitant de l’handicap lourd physique (jeunes motards accidentés de la route). Elle est trésorière de l’Association depuis plusieurs années… Une implication qui force le respect.