C’est à San Francisco que va débuter, dans quelques jours, le congrès 2007 du Mouvement Jeune Notariat (MJN). Il aura pour thème « l’Économie et le Droit » et défendra notamment la notion du « notaire exportateur ». Une idée d’avant-garde que commente pour nous Yvon Rose, le président du Congrès.

 

Notariat 2000 : Qu’entendez-vous par « notaire exportateur » ?

Yvon Rose : Nous pensons que le notariat est en capacité de postuler au service notarial des ambassades et consulats et qu’il peut signer des actes ayant force probante en dehors de l’Union Européenne. En réalité, pour le premier point, cela est déjà réalisé dans l’Union Européenne (les services consulaires renvoient aux notaires locaux). Ce qui est nouveau, c’est à l’extérieur de l’Union.

 

Notariat 2000 : En quoi cela consisterait ?

Yvon Rose : Actuellement, les services notariaux consulaires authentifient les actes pour nos expatriés, mais ne peuvent pas donner de conseils, ni se faire rémunérer pour cela. Les expatriés doivent donc se tourner vers d’autres professionnels locaux ; ils échappent au système économique français dans tous les domaines (banques, assurances, droit des affaires…). Notre souhait est de combler l’absence des notaires français hors de l’Union. Cela suppose que le notariat s’organise pour être présent partout où il y a un consulat ou une ambassade française et que certains confrères soient régulièrement envoyés, via des « tournées », là où nous avons une représentation diplomatique. C’est un service global mondial sans sélection.

 

Notariat 2000 : Quels moyens mettre en œuvre ?

Yvon Rose : Nous proposons la création d’offices spécialisés en droit international notamment, ce qui permettrait à quelques notaires, s’intéressant à un continent ou à un grand pays, de s’occuper de tel ou tel pays. Toutefois, il nous paraît indispensable que les tarifs des prestations soient les mêmes qu’en France, car le service public de notre droit continental doit être offert de façon égale pour tous. La clé de la réussite auprès du ministère des Affaires étrangères d’un tel projet tient, pour une grande partie, au respect de notre tarif. Il ne suffit pas de déplorer la perte d’influence de la France ou de notre droit, mais de trouver des solutions totalement nouvelles. Pour nous, c’est une nouvelle donne. Comme un nouveau cycle.

 

Notariat 2000 : Vous proposez également que le notariat puisse signer des actes ayant force probante en dehors de l’Union Européenne ?

Yvon Rose : Cela s’inscrit dans la même perspective de suivre nos clients français à l’étranger. Depuis plus de 16 ans, les notaires du Québec peuvent le faire. Lorsqu’un Canadien achète à Miami, ils vont signer là-bas. Quant aux cabinets anglo-américains, ils ne se gênent pas pour exercer en Europe. Il faut que nous ayons au moins les mêmes armes. C’est pourquoi nous proposons que le notaire français puisse agir en dehors de l’Union Européenne et qu’il n’ait pas l’obligation d’aller signer l’acte dans une ambassade ou un consulat ; Comme tout notaire signe un acte en France, quel que soit le lieu.

 

Notariat 2000 : Cela implique une formation spécifique (langue, connaissances hyper-spécialisées) et une clientèle adéquate ?

Yvon Rose : Tout à fait. Mais si un notaire, comme moi, n’avait pas le temps, la structure, le substrat de clientèle et les moyens de connaître chaque droit particulier, en plus du droit international privé, il pourrait s’adresser à un office notarial spécialisé en la matière. Si c’est d’ailleurs la 3e proposition du congrès, ce n’est pas une coïncidence ! Il s’agit d’articuler et de propulser le notaire français à l’exportation en le dotant de moyens. Je rappelle que l’office spécialisé ne pourrait pas intervenir dans les affaires franco-françaises et qu’il n’y a donc pas de risque de détournement de clientèle pour chacun d’entre nous.

 

Notariat 2000 : Quels moyens pour quel avenir voyez-vous ?

Yvon Rose : Il faut permettre à chaque notaire de signer en dehors de l’Union et, en même temps, créer les offices spécialisés en droit international des affaires. On peut imaginer qu’il y en ait un par département ou par région pour débuter. Ils draineront, dans toute la France, les dossiers des notaires généralistes et aideront considérablement nos PME et particuliers les plus mobiles en donnant un coup de pouce à la croissance française. Ces offices spécialisés pourront échanger dans le cadre, par exemple, d’un institut du CSN en droit des affaires étrangères, de manière à créer une force d’offre unie, crédible, lisible et visible par le public et nos institutions. Il s’agira ensuite de susciter la même envie des notariats européens pour constituer vraiment un notariat international européen des affaires, capable de rivaliser avec les grands cabinets américains. La CNUE pourrait trouver là un outil de développement. Ce n’est pas une utopie, nous avons poussé aussi loin qu’on pouvait les choses avec le ministère des Affaires étrangères. Sachez qu’il est réceptif et positif sur toutes ces idées. Il est même prêt à accueillir en stage des jeunes dans les services notariaux des ambassades et consulats. C’est cela la raison du MJN à mon sens. La balle est vraiment dans notre camp !