Dans les turbulences d’une conjoncture économique dont personne ne semble maîtriser les tenants, mais dont tous redoutent les aboutissants, les papiers sur l’évolution du marché immobilier ne cessent de proliférer. Hausse probable par ci, baisse assurée par là… c’est à qui fera le meilleur pronostic pour l’année en cours ! Fait notable, les instances notariales apportent depuis peu leur contribution à une réflexion dynamique et prospective, en émettant différentes hypothèses sur l’évolution du marché.
Le notariat deviendrait-il force d’innovation en matière d’immobilier ? Voilà qui ne peut que réjouir les dirigeants de Notariat Services ! Depuis déjà plusieurs années, Notariat Services a su innover en créant la tendance du marché immobilier (TMI) et, plus récemment, l’indice immonot. Développés en collaboration avec le professeur Bernard Thion, ces outils ont vocation à être considérés comme des indicateurs avancés permettant, non pas de prédire l’avenir comme Madame Soleil, mais d’appréhender de façon scientifique ce qui fait bouger le marché.
TMI et indice immonot : au service de la profession
Au départ, ces outils ont naturellement fait l’objet d’un feu nourri de critiques de la part de ceux pour qui le notariat ne doit pas bouger l’ombre d’une oreille, et ne se donnent donc pas la peine de réfléchir plus avant. Un responsable de compagnie s’est récemment offusqué de la parution de ces indicateurs, qui « laisseraient penser qu’un certain nombre d’études notariales détiendraient des boules de cristal leur permettant de sentir l’éclosion du marché deux mois avant qu’elle ait eu lieu ». Heureusement, un certain nombre de ses propres confrères ont rassuré Notariat Services en félicitant ses animateurs pour l’intérêt de la démarche. Car, de façon très pratique, quel est le notaire qui n’a jamais été confronté à la question d’un client disposant de capitaux : « Maître, pour vous spécialiste de l’immobilier, quelles sont les perspectives du marché ? »
Apprentis sorciers ?
Ces observations peuvent inviter à une triple interrogation.
• Première interrogation : le notariat a-t-il vocation à innover ? A notre avis, la réponse ne peut être qu’affirmative. Le notariat a déjà l’habitude de présenter des propositions novatrices lors des congrès nationaux. Mais il existe d’autres domaines, en dehors du pur juridique, où il peut exercer sa capacité d’innovation. La mise au point par M. Xavier Ripoche des ventes immobilières en ligne en est une belle illustration.
• Deuxième interrogation : les structures officielles sont-elles les seules ayant vocation à innover ? L’histoire nous donne la réponse : la plupart des belles réalisations de la profession sont nées de l’imagination de quelques « iconoclastes » désireux de faire bouger les lignes. Que ce soit Me Cacchia avec le fichier des dernières volontés, Me Dubost avec le Cridon ou encore les journées de Maillot grâce à Jacques Benhamou, sans compter toutes les créations que l’on doit à l’imagination fertile de Louis Reillier. Et pourtant, Dieu sait combien tous ces innovateurs ont dû se battre contre les partisans de l’immobilisme fortement représentés dans les instances professionnelles.
• Dernière interrogation : de la même façon que « trop de droit tue le droit », le risque n’est-il pas grand d’innover pour le plaisir sans identifier l’intérêt réel de l’innovation ? Il faut prendre garde à ne pas tomber dans l’excès. On assiste, en effet, aujourd’hui à un délire législatif à propos des dispositifs censés protéger les acquéreurs immobiliers. Il était, certes, important de « moraliser » les pratiques, mais à force d’introduire des dispositifs à tout propos, on finit par enchérir à l’excès la facture d’un immobilier déjà trop onéreux. Ce sont les plus démunis qui en subissent le contrecoup. Nouvelle illustration de la fable des apprentis sorciers ?