Si Tocqueville revenait parmi nous, il serait sans doute intrigué par les coutumes du notariat. Il ne manquerait assurément pas d’y consacrer un chapitre particulier dans ses descriptions de la démocratie.
Entre des pages consacrées à l’empire des Tabelionnides et celles traitant du royaume de Scribestan, Tocqueville disserterait, sans doute, sur les maux causés par nos curieuses manières de voter avant que de tenter d’y porter remède.
De la consultation…
Lorsqu’une assemblée de notaires souhaite adopter une résolution, le président formule la proposition, puis la soumet aux suffrages de la manière qui suit : « Qui est contre ? ». Silence immobile. « Qui s’abstient ? ». Silence immobile. « La proposition est adoptée à l’unanimité ! ». Parfois, un notaire ayant récemment prêté serment (et se trouvant, de ce fait, ignorant des bons usages) se hasarde à lever le bras en réponse à l’une des questions. Il provoque immanquablement quelques commentaires amusés chez les plus anciens qui posent alors sur l’inconscient novice un regard nostalgique, tout moiré de tendresse pour un âge d’or révolu.
…et du diagnostic Atteint d’une morosité épidémique, causée par la léthargie des délibérations notariales, je résolus de trouver guérison en lançant quelques recherches sur les raisons de ce mal. Elles ne manquèrent pas d’aboutir promptement grâce à ma fille Constance. Celle-ci m’expliqua que le muscle principal commandant le mouvement par lequel tout humain non manchot réussit à lever un bras se nomme « le deltoïde ». Une piste sérieuse s’ouvrait à moi : tout notaire serait atteint d’une malformation du deltoïde l’empêchant de lever le bras lorsqu’il est invité à voter ! Nourri depuis le plus jeune âge au lait des principes dégagés par nos Lumières, je poursuivais néanmoins les observations et multipliais les expériences. Au résultat, tout confirmait une affection deltoïdienne du notariat… Seul un fait inexplicable contredisait, ostensiblement, l’hypothèse : comment les notaires seraient-ils atteints d’une infirmité particulière les empêchant de lever le bras pour « voter » alors qu’ils parviennent à faire semblable mouvement (auquel ils sont d’ailleurs fort prompts) quand il s’agit de… « trinquer » ?! Chacun peut, en effet, observer qu’à l’entame de tout dîner servant de point d’orgue aux réunions notariales, nul notaire ne se trouve privé de la faculté de lever son verre à la santé d’untel, à la gloire de ceci ou à l’avenir de cela !
De l’expérimentation et des remèdes
À cet instant précis, je souhaite – cher lecteur – t’inviter à participer à une expérience : daigne lever celui de tes bras qui ne tient pas la présente revue, à la manière de ce qu’il adviendrait si tu devais « trinquer ». Observe-toi un instant… Ne constates-tu pas que tu aurais une posture rigoureusement identique si tu étais invité à « voter » plutôt que requis de « trinquer » ? Assurément si ! De ces profondes réflexions s’induit une prescription : à tout notaire ayant la capacité musculaire de lever le bras lorsqu’une occasion valorisante se présente, on administrera l’un des deux remèdes suivants dès qu’il conviendra :
soit le président invitera les notaires à « trinquer » pour sa proposition (1) ;
soit le président interrogera : « Qui vote POUR ? », « Qui vote CONTRE ? », la proposition étant adoptée sous condition qu’on dénombre plus de bras levés en faveur du « pour ».
Des effets secondaires
Les Présidents qui sacrifieraient prochainement à l’un ou l’autre de ces rituels nouveaux seront fort surpris du résultat très stimulant qui en est la conséquence mécanique. C’est du moins ce qu’on a pu constater en Dordogne où la Compagnie et la Chambre – depuis la présidence de Danièle Imbert – ainsi que l’Association – sous la présidence de Laurence Diot-Dudreuilh – pratiquent le… « second remède ». Chacun pourra d’ailleurs faire remonter à Notariat 2000 son expérience particulière en la matière… surtout s’il était préféré le « premier remède ». Merci d’avance et bonne AG !
1. Application simple et directe d’une sagesse éternelle : in vino veritas… !