La mutualisation, c’est le principe qui semble être appliqué dans notre profession. Pourtant, sa simple évocation provoque des poussées d’urticaire chez certains de nos responsables techniques car c’est également la porte ouverte à tous les excès.

 

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Lorsqu’on parle de mutualiser, il ne s’agit que de mettre en commun des outils ou des personnes. Il ne faut surtout pas imaginer que ceux qui prônent le mutualisme notarial sont les chantres de la péréquation. Vision inverse, contradiction formelle ! Celui qui veut mutualiser veut surtout que les outils qu’il utilise (ou dont il tire un profit politique) soient assumés par tous. Celui qui recherche la péréquation se focalise plutôt sur les outils qui servent à tous (ou dont chacun pourrait tirer un profit technique) et souhaite qu’ils soient abordables pour tous, selon les facultés contributives de chacun.

 

Mutualisation ne rime pas avec péréquation

Prenons le cas des réseaux de communication informatique. Le modernisme simulé, qui nous a conduits en ordre et au pas de charge, à l’adoption forcée du réseau électronique notarial n’avait d’autre intérêt que politique. La plupart des outils qui constituent notre cœur de métier ne nécessitaient aucunement ce coûteux jouet. Contrairement à l’affirmation généralement répandue, ce n’était pas la seule solution, ni forcément la meilleure pour aboutir à l’acte authentique électronique et à son stockage centralisé. Mais ce n’était pas la plus mauvaise… En revanche, la raison majeure pour laquelle j’ai toujours critiqué la solution R.E.AL est qu’elle a été choisie sous prétexte de mutualisation alors qu’en réalité, elle ne contient pas une once d’équité ou péréquation !

 

À abonnement égal, un service différent

Chaque office souscrit un abonnement dont le tarif a été fixé par une répartition en tranches tarifaires du coût global du réseau. Or, tous les offices ne bénéficient pas, loin s’en faut, du même service. Selon le lieu, le niveau d’équipement local, vous n’aurez pas, à abonnement égal, le même service. Selon le type d’abonnement, vous n’aurez pas, à responsabilité et nécessités égales, les mêmes niveaux d’efficacité. Et il n’est même pas question ici de TPO ou TGO, simplement de poste de travail, de notaire ou de clerc !

 

Les limites de R.E.A.L

Certains d’entre nous se satisfont de R.E.AL car ils n’en font quasiment rien d’autre que le strict nécessaire (portail, fichier des testaments, télé@ctes) et n’ont pas d’autres souhaits, ni d’autres besoins. D’autres ne pourraient, en aucune manière, s’en satisfaire. Les outils qui leur servent au quotidien (documentation en ligne, géolocalisation, mise en ligne de fichiers multimédias, gestion de contenu à distance, télétravail) ne peuvent en aucun cas se satisfaire du réseau obligatoire. Quant au coût même de télé@actes (téléréquisitions, télépublications, envoi au MICEN des actes électroniques), il a été fixé à la pièce et selon les grands principes de la mutualisation notariale…

 

Tenir compte du rendement de l’office

Il n’y a et ne pourra y avoir de mutualisation véritable dans le notariat que si le coût des outils mutualisés est fixé en fonction du rendement que l’office destinataire peut en espérer. Deux solutions seulement permettent de lever cet écueil : • Une « gratuité » de tout outil imposé, le coût étant supporté par la collectivité notariale par le biais de ses cotisations. Ce serait la porte ouverte à de nombreux abus (cotisation rimant systématiquement avec fonctionnarisation). A moins qu’une Cour des comptes notariale, élue démocratiquement, ne se charge de vérifier et publier, en toute transparence, les véritables chiffres… • Une profonde réforme du tarif faisant disparaître, définitivement, tous les défauts du tarif actuel. Il prendrait en compte le coût croissant de nos obligations et corrigerait les effets pervers de la rémunération « proportionnelle » des actes. Seule cette solution peut éviter que les notaires aient l’impression d’être des vaches à lait au profit des projets nébuleux de quelques prétendus visionnaires.

 

Pour des modèles tarifaires innovants

Quelqu’un se décidera-t-il enfin à ouvrir la réflexion, en donnant à chacun la possibilité et les moyens de travailler des modèles tarifaires innovants sur la base des rémunérations réelles actuelles ? Ne pas le faire, c’est déjà avouer qu’il y a injustice… Le faire maintenant est le seul espoir, pour ceux qui bénéficieraient de cette injustice, de ne pas perdre subitement les privilèges qu’ils estiment trop souvent être dus à leur capacité alors qu’ils sont, seulement, la conséquence de leur position sur la carte…