Nous sommes entrés depuis quelques décennies dans la société dite de l’information, et plus encore, de la communication. Chacun communique ou devrait communiquer, et il en résulte une aimable cacophonie qui tient plus des caquètements de basse-cour (croyez-en le Bressan A.O.C. que je suis) que de la conversation utile et réfléchie. Et nous, pauvres notaires, comment communiquons-nous ?

 

Au risque de me faire encore taxer de “grogneschtroumpfitude”, j’aurais presque tendance à dire que nous communiquons n’importe comment. La meilleure preuve, à mes yeux, tient au fait que je ne connaissais pratiquement rien de cette profession avant d’y entrer par hasard et qu’il me semble qu’une personne se trouvant aujourd’hui dans la même situation que moi il y a 24 ans, n’en saurait guère plus. Il en résulte qu’ignorant tout de nous, “notre clientèle” continue à véhiculer les clichés et à gober les slogans… Pire, les élus de la République eux-mêmes se laissent manipuler par l’apparence et cèdent à la facilité des lieux communs. On peut se féliciter du succès de telle ou telle campagne, de tel ou tel parrainage de mini-séries, mais à part la justification de la dépense, peut-on réellement affirmer que les choses ont changé ? Ah, bien sûr, nous nous entourons de professionnels, parfois très chers, nous appliquons scrupuleusement les règles, pour ne pas dire les dogmes des “sachants”, nous avons le souci du détail, une unité obligatoire avec une place bien définie pour le logo (jusqu’au prochain), mais hélas, nous ne savons toujours pas faire valoir nos particularités…

 

Quelle communication ?

Tout d’abord, nous communiquons collectivement, ce qui se conçoit parfaitement puisque nous sommes supposés remplir la même fonction. Il n’en demeure pas moins que nous ne l’exerçons pas dans les mêmes conditions. Cette forme collective de communication nous condamne irrémédiablement à ne pouvoir réellement évoquer que le plus petit dénominateur commun, ce qui a permis à de nombreux “super-professionnels” de s’incruster dans notre sillage, avant de tenter de nous en écarter… Ensuite, nous communiquons doctement, ce qui se justifie pleinement puisque nous sommes des juristes sérieux, longuement formés et astreints à une mise à jour continue de leurs connaissances. Malheureusement, à trop vouloir être conformes à l’image que nous voulons nôtre, nous laissons de côté de nombreux concitoyens que notre jargon, même épuré, “fatigue” et oublions que cette catégorie de la population ne cesse de s’accroître. Par ailleurs, nous communiquons gentiment, dans la droite ligne de notre profond attachement à l’équilibre, à la paix des familles, au calme feutré de nos études. Nous omettons que dans le monde actuel, il est difficile d’être entendu lorsqu’on murmure dans le brouhaha de la “volaille qui fait l’opinion”(1). J’ai fait la courte expérience, il y a quelques années, d’une communication plus “moderne” dans le cadre du mensuel de mon département : curieusement, certains notaires s’en sont émus, et ont obtenu que soit mis un terme à mes agissements décalés. À cette époque, certains parmi nos concurrents m’avaient confié que ce “ton nouveau” commençait à les inquiéter et qu’ils étaient satisfaits de nous voir ainsi rentrer à la bergerie.

 

Silence, on communique…

Bien sûr, ce qui est fait n’est pas inutile et ne doit pas être totalement abandonné. Toutefois, on peut regretter que toute tentative d’innovation soit éradiquée, que la communication soit strictement réservée au groupe (2) et que celui-ci soit plus enclin à “bêler” discrètement dans son pré-carré (qu’il croit défendu) qu’à exprimer, à haute voix, la conviction que je suppose profondément sienne. Pendant ce temps, nos adversaires et nos détracteurs agissent individuellement dans la réalisation d’un but commun… Peut-être suis-je particulièrement sensibilisé à cet aspect du problème puisque j’exerce dans un département dont l’un des députés se nomme Arnaud Montebourg et qui compte, parmi ses avocats, un certain Pierre-Hubert Redoutey… Maintenons le silence, mes agneaux ;-)

 

1. On ne vantera jamais assez l’analyse cruelle, mais tellement appropriée de “poulailler song” d’Alain Souchon. 2. Ce qui oblige ceux qui veulent défendre la profession autrement, voire souligner l’ineptie d’une réglementation, à le faire en toute discrétion pour ne pas risquer les foudres de leurs confrères. Il est vrai que même la citation du Chancelier REAL, figurant au dos de nos cartes, a été écourtée, sans doute pour éviter de vexer quelqu’un…