Dans Le Notaire de Pradeloup, Jean-Paul Malaval nous plonge dans la Corrèze des années 1960 et nous raconte la double vie d’un notaire rusé, Lazare Bazin. Le roman, écrit d’une main de maître, écorne l’image de la profession. L’heure n’est-elle pas venue de réagir ?

 

C’est sur les conseils de mon prédécesseur que j’ai lu « Le Notaire de Pradeloup ». Je me suis jeté le soir même dans la découverte de ce roman et je ne l’ai abandonné qu’à la dernière page. Lazare Bazin, le notaire de Galiane-sur-Sévère, attend les derniers sacrements. C’est un personnage cynique et peu recommandable. Sa succession risque d’ouvrir une véritable boîte de Pandore dans le village. L’activité notariale souffre ici d’une définition réductrice : « Qu’est ce donc que l’ouvrage d’un notaire, sinon remettre à l’endroit ce que la vie a déplacé ». Un peu plus loin, l’auteur a une vision inédite de la fonction notariale : « Tout notaire n’est-il point une éponge qui absorbe les haines et ne les restitue jamais » ? Au fil des pages, le roman instille une image foncièrement négative de l’officier public. Non seulement les faits rapportés sont indignes d’un notaire et justifieraient sa destitution, mais Lazare Bazin est un homme méprisable… Fort d’une bibliographie qui se décline sur trois décennies, Jean-Pierre Malaval ne peut pourtant être suspecté d’avoir cédé à un certain clientélisme. Mais le constat est amer. Une fois de plus, l’image du notaire est digne des bavardages colportés dans l’arrière-salle d’un café du commerce. Elle capitalise tous les défauts et toutes les bassesses. Pourtant, quelle autre profession assure autant de conférences grand public et de consultations gratuites pour mieux expliquer les règles de droit ? Quelle corporation peut s’honorer d’exécuter la mission qui lui a été déléguée par l’État, sans jamais exprimer, haut et fort, quelque mécontentement que ce soit ?

 

Les héros des temps modernes

Face au notariat, « l’autre » profession juridique est omniprésente au sommet de l’État, au gouvernement ou au Parlement, avec une participation conséquente rivalisant avec celle des fonctionnaires. Campée dans de nombreux feuilletons télévisés (comme « Avocats et Associés »), elle vient d’assurer sa communication dans deux livres. Le premier, « Parcours d’avocat(e)s », de Christophe Perrin et Laurence Gaune (éditions Le Cavalier bleu), a pour ambition de faire découvrir l’itinéraire de dix « grands maîtres » hors du commun. Le second, « Les grandes plaidoiries des ténors du barreau. Quand les mots peuvent tout changer » (Matthieu Aron, éditions Jacob-Duvernet) révèle l’art de l’oratoire comme une science. Les « grands ténors », familiers des projecteurs de l’actualité, sont devenus les héros des temps modernes, les alchimistes du verbe. Ils suscitent les émotions collectives, pour mieux les canaliser. Ils assurent, en quelque sorte, la promotion d’une image « globalement positive » dans l’esprit du public, tirant la charrette d’une corporation en quête de nouveaux marchés.

 

Ressortir la plume…

S’interroger sur le traitement de l’image, si contrasté, de deux professions voisines, est légitime. À la réflexion, on peut y voir une des nombreuses illustrations de l’opposition entre l’être et le paraître, un lieu commun de la philosophie. Quoi qu’il en soit, je reste convaincu que le notariat, première profession juridique informatisée de France, se doit, paradoxalement, de retrouver l’usage quotidien de la plume pour répondre à l’impérieuse nécessité de « bien faire » et de le « faire savoir »… Ressortir la plume pour ne pas être plumé ! Tel est le beau programme à développer sur la feuille de route des notaires, naturellement soucieux d’assurer la pérennité de leurs activités.