Sous prétexte de protéger les « gentils locataires » contre les « méchants propriétaires », la loi Alur va se traduire par une stérilisation d’un marché immobilier déjà bien affaibli. Si le bilan carbone s’apprécie en chiffres difficiles à comprendre, le bilan social risque de s’établir en hommes et femmes, nouveaux inscrits à Pôle Emploi. Tout laisse penser que la filière immobilière va connaître une crise de confiance dont personne ne semble soupçonner l’importance… Mais qui va oser s’élever contre les dispositions de ce texte ?
L’objectif est certes louable : il consiste à mieux informer les candidats acquéreurs ou locataires de lots de copropriété. Mais, pour y parvenir, nous allons devoir trouver des « sponsors » chez les fournisseurs de papier et les vendeurs de photocopieuses ! En effet, il faut à présent annexer de nouveaux documents (1) à la promesse de vente ou, à défaut, à l’acte authentique de vente. D’autres documents vont compléter la liste au fur et à mesure de la publication de décrets d’application dont il va falloir surveiller la sortie comme le lait sur le feu. Ainsi, en janvier 2017 ou 2018, en fonction de la taille de la copropriété, une fiche synthétique de copropriété deviendra obligatoire. En janvier 2018, un diagnostic technique global et un plan pluriannuel de travaux devront être annexés à la promesse. Et pour faire valablement courir le délai de rétractation de l’acquéreur, il faudra notifier par lettre recommandée, avec accusé de réception, à chaque acquéreur, la promesse de vente avec l’ensemble de ces documents. Les services postaux vont donc retrouver les chemins de la croissance du courrier, tant en volume qu’en coût, puisque les magistrats privilégient la signature du client devant un préposé de la poste à une remise en main propre par un officier ministériel ! Enfin, ces éléments devront être fournis par le propriétaire vendeur ou obtenus auprès des syndics dans le cadre d’un état « préalable ». Celui-ci ne manquera pas alors d’être facturé (on ne sait pas à quel prix), sans que soit exclu ultérieurement l’état daté pour la vente (dont la facturation actuelle oscille entre 180 et 480 €). Et ne parlons pas des délais inhérents à la réunion de tous ces documents !
Vers plus de sécurité ?
Ultérieurement, il y aura lieu d’annexer une attestation comportant la mention de la superficie de la partie privative et de la surface habitable de ce lot. La loi, dite loi Carrez, n’a donc pas atteint son objectif de protection puisque l’on double le mesurage avec celui de la surface habitable… Les fichiers de référence de prix, utilisés tant pour la communication de l’état du marché immobilier aux clients que pour les expertises ou avis de valeurs, devront-ils être élaborés avec la référence à chacune de ces surfaces ? Qui va payer le coût de la réalisation, de la collecte, de l’analyse, du traitement et du « photocopiage » de tous ces documents, diagnostics et informations nouvelles préalables aux ventes et aux locations ? Ces apports amélioreront-ils réellement la sécurité de l’acquéreur ou du locataire ? Certains documents annexés à la promesse de vente ayant une durée de validité très limitée, il faudra les réactualiser au moment de la vente définitive : les vendeurs accepteront-ils de payer plusieurs états au syndic alors que les acquéreurs n’auront pas eu leurs financements et que la vente ne sera toujours pas régularisée ?
Provision Alur ?
Le problème du coût mérite d’être posé, quand on sait :
– Que plus de 50 % des mutations immobilières d’habitation s’effectuent dans une relation de particuliers à particuliers.
– Que pour ceux qui font appel à un professionnel, aucune rémunération ne peut légalement être perçue pour la prestation d’élaboration de l’avant-contrat. Le temps passé à l’élaboration de l’avant-contrat, la collecte des documents, leur analyse et leur reprographie, sans même vouloir parler de l’engagement de responsabilité des professionnels, sont donc des « non-valeurs »…
Il faut au moins être ministre, issu d’une technostructure irresponsable, pour dévaloriser ainsi le temps de travail des professionnels. A l’époque d’internet, le non-respect de ce formalisme désuet entraîne une extrême fragilité d’engagement d’acheter dont se prévaudront les profiteurs du système pour qui « On promet comme on veut et l’on tient comme on peut ! ». Allons-nous devoir prévoir dans le tarif une « provision Alur » ou « Duflot » pour assumer ces surcoûts ? A la charge de qui ? Tout cela pourrait passer pour un simple amuse-bouche lorsqu’on analyse les nouvelles obligations en matière de baux d’habitation. En parallèle, l’intervention des professionnels va paraître tellement coûteuse que le cumul des deux risque d’entraîner un assèchement du marché…
1. Le règlement de copropriété et l’état descriptif de Division de la copropriété, et l’ensemble des modificatifs relatifs à ces documents ; Le carnet d’entretien de la copropriété ; Les copies des procès-verbaux des assemblées générales de copropriété des trois dernières années ; Un état délivré par le Syndic de ladite copropriété…