Marianne s’apprête à soutenir son mémoire. Elle se trouve à un tournant de sa vie où il est temps de s’interroger. Qui suis-je ? Où vais-je ? Quelle vie ai-je envie de mener ? Marianne se demande quelle direction prendre, en définitive…

 

Avec le temps, il est parfois délicat de préserver l’amour, y compris celui de son travail. De la passion, on passe à l’habitude, puis, si les choses s’enveniment, cela tourne vite à l’exaspération générale. C’est exactement le sentiment que j’ai aujourd’hui vis-à-vis du notariat. D’emblée, j’ai adoré cette profession (que j’aime toujours ?!), j’en ai apprécié son esprit et ses idéaux auxquels j’ai naturellement adhéré et j’y suis entrée comme dans un costume parfaitement ajusté. Cet engouement ne m’a pas lâchée jusqu’à mes débuts en stage de DSN. Mais, sur le terrain, la réalité est autre…

 

Sur le terrain

Très vite, mon quotidien a été rythmé par une surcharge de dossiers, plus urgents les uns que les autres, à traiter seule de A à Z, des rendez-vous de signature à assurer toute seule alors que je ne suis même pas habilitée. Sans personne pour m’aider, il me faut, en même temps, me concentrer sur une clause compliquée, répondre à tous les appels téléphoniques, y compris les plus inutiles (impossible de faire filtrer puisque j’ai une ligne directe), sans compter les fax et les mails ! J’ai appris à traiter tout cela en allant de l’urgentissime, tout d’abord, à l’urgent ensuite. C’est en permanence la course et, pour gagner du temps, il m’arrive régulièrement de sacrifier la qualité (comme relire toutes les clauses de mon acte pour vérifier qu’elles correspondent bien à la situation et à la volonté de mes clients) ! Et hop, un acte élaboré par une de nos SSII, non retouché et tout chaud sorti de l’imprimante ! Hélas, la situation est souvent similaire pour les notaires stagiaires ou assistants que je rencontre. Au secours !

 

Quel avenir ?

Financièrement, les choses ne sont guère mieux ! Certains patrons –ils ne sont pas majoritaires, mais j’en connais– n’hésitent pas à consentir au jeune un contrat à durée déterminée et à imputer sur le salaire convenu l’indemnité de précarité qui leur est due en fin de contrat. “Je te verse tous les mois ton salaire, moins 10 %, qui te seront payés à l’issue du contrat“. À l’arrivée, ces jeunes ont un contrat précaire, mais n’ont pas droit à l’indemnité légale prévue dans ce cas. Pas terrible ! Aussi, quand je vois la campagne du CSN, selon laquelle 15 000 postes sont à pourvoir dans le notariat d’ici 2010, j’ai un peu envie de rire. Avant de déployer les “tournées avec camion spectacle (…) à la recherche des notaires et de leurs collaborateurs de demain (…), dans un contexte de recrutement exceptionnellement fort” (1), on ferait mieux de s’occuper des jeunes, clercs et notaires assistants qui sont déjà dans le notariat. Souvent exploités et sous-payés, tous rêvent d’un avenir (lointain) plus doux. Bien que motivés et aimant cette profession, ils finissent par être dégoûtés. Certains (ils sont de plus en plus nombreux) quittent le notariat pour aller gonfler les rangs des banques, agences immobilières, assurances… Ah, qu’il est séduisant le chant de ces trois superbes sirènes ! Pour rejoindre ces sublimes créatures, il n’y a qu’un pas, vite franchi, d’autant que les propositions ne manquent pas… Et pour ma part, je m’interroge sérieusement. À défaut d’être à l’écoute des jeunes, la campagne du CSN va vite ressembler à un seau percé que l’on tenterait, en vain, de remplir ! Dommage, le notariat est une si belle profession.

 

1. CSN, lettre du 7 mars 2007