Faut-il bouder la négociation immobilière ou, au contraire, considérer que le notariat est armé pour aller sur ce marché ? Réflexions iconoclastes sur les enjeux de la négo…
MOI : À l’occasion d’un salon de l’habitat, j’ai rencontré le négociateur d’un office notarial. Il m’a fait une remarque pleine de bon sens, émanant d’un animateur de stage sur l’expertise : « Il n’est pas possible de bien expertiser si l’on ne négocie pas ». Autrement dit, en plus de la formation d’expert, il faut la pratique journalière de la négociation sur le terrain, pour apporter une réponse cohérente avec le marché.
Moi : Remettrais-tu en cause ta préférence pour un marché de particuliers à particuliers, organisé par le notariat ?
MOI : Absolument pas, car reste posée la question de la possibilité pour un officier public de pratiquer une activité commerciale efficace tout en échappant aux dérives liées au marché de la concurrence et en respectant scrupuleusement la déontologie notariale.
Moi : Conviens que la négociation est la clef de voûte du processus conduisant à la réalisation d’une vente immobilière !
MOI : Certes, mais l’acte authentique, oeuvre du notariat, ne doit pas être pollué par un début de processus hautement contestable.
Moi : N’exagère pas. La négociation est nécessaire. Elle entraîne l’adhésion de la clientèle lorsqu’elle est menée avec professionnalisme. Pourquoi le notariat refuserait-il d’accomplir une étape essentielle du processus de vente ?
MOI : Pour rester neutre et ne pas avoir la tentation d’adopter certaines méthodes d’agents d’affaires car cela crée dans l’esprit des clients une détestable confusion des genres.
Moi : Refuser un service voulu par le consommateur, n’est-ce pas rétrograde ?
MOI : Soyons clairs ! Que penses-tu d’un notaire qui confie à une agence des biens à vendre contre un renvoi d’ascenseur, voire un partage de commission ? Que penses-tu d’un office pratiquant la négociation, où seul un soi-disant clerc, ancien agent d’affaire, exerce cette activité ? Et que dire lorsqu’un client apporte un terrain à bâtir susceptible d’être transformé en lotissement et que l’étude se fait consentir un « mandat exclusif » pour la recherche d’un acquéreur avant de proposer le terrain aux professionnels, avec pour condition d’être chargée de toutes les reventes de lots ?
Moi : Inacceptable bien sûr. Mais, certains sont plus doués que d’autres pour les affaires. Ce sont les conséquences du libéralisme, et ici, c’est sa caricature que l’on doit déplorer lorsqu’elle est pratiquée par un notaire.
MOI : Je persiste à penser que le notariat s’égare quand il ne reste pas dans son strict rôle d’officier public. C’est probablement moins rémunérateur, moins intéressant car, pour certains, les affaires sont un puissant moteur, mais l’on peut éprouver de la jubilation en faisant régner l’ordre juridique et en contribuant au service public !
Moi : Affaire de choix, affaire de goût. Il n’en reste pas moins vrai que le notariat se grandirait s’il pouvait assurer l’ordre et la justice dans le monde des affaires que tu considères vicié à la base. Je dirais même que cela peut être son honneur, sa justification et, probablement, sa chance de perdurer, économiquement parlant.
MOI : Je t’accorde que si l’État ne nous consent pas un élargissement de notre champ d’action, il sera nécessaire d’envisager une diversification qui passera notamment par la négociation. Il faut alors qu’au niveau du CSN, cette option devienne une obligation et que les inspections en tiennent compte. Affirmer à longueur de discours que le notariat doit se diversifier, se moderniser et porter à la présidence des Chambres ou des Conseils régionaux des confrères qui s’opposent à de telles initiatives, c’est simplement incohérent.
Moi : En définitive, nous ne sommes pas si différents. Je suis pour la négociation et toutes les autres activités de diversification alors que tu es plutôt pour le statut de l’officier public, à condition que l’État étende son champ d’activité. Dans la mesure où le notariat n’a rien à attendre d’un État libéral, ne faut-il pas conclure qu’il ne peut que compter sur lui-même ?
MOI : Nous sommes d’accord sur cette analyse et nous serons également d’accord pour considérer qu’aucune initiative ne sera crédible si elle ne s’appuie sur l’éthique, la confraternité, la transparence et la morale.
Moi : La négociation, la négociation, comme disait De Gaulle au sujet de l’Europe, ça ne suffit pas. Cette activité devrait être pratiquée par les meilleurs qui montreraient l’exemple et non le contraire. La négociation pourrait être le fer de lance du notariat si le CSN le voulait vraiment, et comme pour la gestion patrimoniale, notre profession pourrait vite en devenir la référence. Encore faut-il en avoir l’ambition !
MOI : C’est là que le bât blesse. Qui a soutenu la négociation des prêts hypothécaires en son temps ? Qu’est devenu le CNPH ou la Conférence du Plan ? Notariat 2000 est-il aidé et reconnu au plus haut niveau de la profession ? Question toute simple et non polémique, sans réponse depuis longtemps…
Moi : Le notariat est actuellement concentré sur Télé@actes pour devenir incontournable. Mais si le maillon devient faible et si, comme le fichier des dispositions testamentaires, il devient accessible à tous les juristes, n’aurons-nous pas tout perdu ? Le monopole réduit comme une peau de chagrin et, par conséquent, un champ d’activité lui aussi extrêmement étroit, conduiront fatalement à une réduction du nombre de notaires…
MOI : Vaste question d’autant plus cruciale que le monde a évolué. C’est aux quadras de prendre la barre pour mettre le notariat en phase avec la société. Il y a urgence !