« Identité notariale, des racines et des ailes », c’est le sujet choisi par l’Assemblée de liaison, l’année même où l’identité nationale a sollicité toute notre attention ! Au-delà du mimétisme, il est vrai que les turbulences du temps présent s’ouvrent sur ce ressourcement.
L’accélération considérable de notre renouvellement pose question. Ces jeunes générations n’auront pas bénéficié de la lente maturation d’un long stage sous la férule vigilante des principaux puits de sciences, de conscience et d’expérience. Ces trois piliers furent longtemps transmis et conservés comme une armature, colonne vertébrale de notre métier. Aujourd’hui, les têtes qui nous arrivent sont certes bien pleines, mais sont-elles bien « faites » ? Question essentielle qui concourt à l’équilibre de l’identité notariale. Nul doute que Jean-Marie Vauchelle et son équipe auront bien labouré le champ de la formation, initiale et continue. Celle-ci a souvent été remise en chantier, mais peut-on dire qu’elle est satisfaisante ?
Servir
Notre identité s’appuie sur la formation. Mais où prend-elle ses racines ? Quel en est le fondement ? Les réponses tendent bien souvent à confondre le pourquoi et le comment. Ainsi, la délégation de l’État à l’officier public ainsi que l’authenticité, sont des moyens exceptionnels pour remplir notre mission. Mission qui a toujours été de rendre service. Ne serait-ce pas là, tout simplement, que plongent nos racines ? Notre « pourquoi », notre vraie justification et raison d’être ? Service bien spécifique et encadré, mais service tout de même. À ne pas perdre de vue ! Le service qui nous est demandé a d’abord pour spécificité d’être public. Il est à la fois destiné à tout public et doté de garanties essentiellement étatiques. Au premier rang de celles-ci, l’authenticité octroie la foi publique aux actes que nous scellons au nom de l’État, au profit de nos concitoyens.
Dualité nécessaire
Depuis toujours, nous avons successivement privilégié l’une ou l’autre branche de notre alternative, comme si le public devait conduire à exclure le privé et réciproquement. Elles sont pourtant complémentaires car, sans client et ses besoins à satisfaire, il ne saurait y avoir de notaire ! Ceux qui, au nom du service public, notion quasi mystique, méprisent et méconnaissent le service dû au public, conduisent à éloigner ce dernier de nos études. Réciproquement, ceux qui au nom d’un libéralisme débridé rejettent les contraintes de notre statut pour ne faire que « des affaires » seraient bien inspirés de choisir une autre voie plus en adéquation avec leurs aspirations. Cette dualité nécessaire, indissociable, était autrefois longuement mûrie tout au long de nos stages. Il en émanait un constant souci de satisfaire les besoins de nos concitoyens, tout en respectant les contraintes nécessaires de notre déontologie. Autrement dit : aller au bout de nos droits à agir en appliquant chacun de nos devoirs, ceux-ci étant les garde-fous des garanties offertes par notre statut à nos clients. S’enfermer dans la citadelle de nos monopoles, sans se soucier des véritables besoins, serait, à terme, suicidaire.
Grandeur et servitudes
Nous sommes la passerelle qui permet au privé de bénéficier des garanties publiques. Ce rôle a ses grandeurs, mais aussi ses servitudes. Nul ne saurait s’affranchir des unes pour garder le bénéfice des autres. Tout fonctionnaire bien formé et instruit saurait assurer le service public de l’authenticité. La responsabilité et la liberté de servir assurent à nos concitoyens la constante adéquation du service au besoin. Dans un monde évolutif, c’est notre seule garantie de survie. Sachons la préserver en évitant les hautes querelles dont nos cerveaux sont friands, car elles ne conduisent qu’à exclure au lieu de rassembler. C’est pourtant dans le rassemblement que se tient notre force.