Le notariat régulateur fait une balance, un équilibre entre des objectifs de libre concurrence et d’autres anticoncurrentiels. Le tout dans le seul but de protéger le public…
Le fait d’établir des actes déficitaires, d’assumer les risques du métier par la solidarité professionnelle, d’assurer l’accès au droit partout, et de prévenir les conflits est anticoncurrentiel. C’est ce qui différencie fondamentalement les notaires des avocats. Le but de notre régulation est de protéger deux secteurs cruciaux : la famille et l’immobilier qui reste le premier investissement des Français. C’est parce que nous régulons pour le public que l’État nous donne des moyens et des droits exclusifs. C’est pour cela qu’il nous impose des obligations et non l’inverse. Il n’y a là ni faveur, ni handicap. Nous sommes notaires régulateurs, pas seulement par la régulation économique (1), mais aussi par la régulation juridique et la régulation sociale. C’est un tout indissociable.
Non aux sirènes du droit fiscal
Nous dépassons de beaucoup l’application pure et simple du Code civil, faute de quoi nous serions de simples copistes. Le notaire organise, régule les rapports toujours potentiellement conflictuels entre les parties par rapport à leurs biens particuliers. À chacun sa formule. Nous sommes des civilistes avant tout. La médiation, mais aussi la gestion de patrimoine se trouvent, de chaque côté du droit civil, en majesté. Nous savons tous combien le droit civil est malléable pour réguler les rapports entre les personnes et combien nous invitons nos clients à revoir leurs contrats à chaque étape de leur vie. La régulation juridique se place dans la durée. Le notaire régulateur juridique ne cède pas au champ des sirènes du droit fiscal mouvant. Car nous savons que notre travail sur un dossier de succession ne s’arrête pas à un simple calcul de droits à payer, ni à confirmer à un héritier qu’il est bien propriétaire. Il s’agit d’organiser les rapports et les flux. Nous épaulons aussi l’État. Par exemple, dans sa lutte contre le blanchiment, nous sommes notaires régulateurs, pas « délocalisateurs » dans les îles, ni contrebandiers. Enfin, nous fournissons au public des statistiques et des fichiers fiables. Nous proposons des idées de réforme et des « recommandations » comme une entité à autonomie grandissante. Nous sommes notaires régulateurs, pas spectateurs.
Régulateur social
Nous participons au « capital social » de la nation. Ce sont les normes de réciprocité culturellement acceptées par tous les Français, directement ou indirectement. Elles n’ont pas besoin d’être codifiées car elles participent à la coopération sociale et économique. Nous « rapprochons les parties » comme on dit. Là encore, nous disposons d’atouts car nous ne sélectionnons ni les actes, ni les dossiers, ni les clients, ni le tarif. Le réseau notarial s’adresse à tous, sans clivages sociaux. Le notaire est régulateur social parce qu’il est voué à la coopération des relations sociales horizontales. S’il n’y a pas de coopération de la part des clients entre eux, il n’y a ni actes, ni échanges. Le notaire tisse, jour après jour, le lien social et le régule « ex ante ». Tous ceux qui poussent la porte d’un office notarial sont des clients sans distinction. Enfin, le but de tout notaire n’est pas de maximaliser le gain de l’un sur l’autre, mais de nouer des relations justes et surtout durables. Rien à voir avec l’avocat qui, par sa culture du contradictoire, est là pour maximaliser les positions de « son » client, quitte à les faire valider par le juge. Si la régulation « ex post » du juge via l’avocat est indispensable, elle est longue, lourde, aléatoire et coûteuse (voir le budget de la Justice). Elle n’est pas la meilleure. Lorsque le capital social disparaît, la vie sociale, mais aussi la vie économique vacillent et fragmentent la société.
Donner un sens
La notion de notaire régulateur donne un sens, un avenir et une cohérence à notre profession. La régulation est lisible par tous les Français et par les instances européennes. Ne jurer que par notre statut (statique) n’évoque absolument rien chez les Français. Le revendiquer est contre-productif, corporatiste et masque très dangereusement notre fonction utile de dynamique économique, juridique et sociale. La régulation notariale est enfin une métadonnée du notariat mondial au-delà des écarts ou particularités locales de statut, facteur d’une synergie à activer fortement. La régulation nous rend plus autonome. Elle nous décale de l’État, notion très fluctuante. Nous aurons tous à perfectionner les outils et la promotion de notre régulation pour le public qui aura toujours besoin de savoir à qui se fier et d’être protégé. La régulation n’est pas un grand espoir, c’est notre rôle.
1. Cf. l’article d’Yvon Rose, « Le notaire régulateur économique », page 34, N2000 n° 515