Dans son dernier article, intitulé « Périls » (N2000 n°478, p. 6 et 7), Jean-Claude Bigot écrivait que « laisser s’enfoncer l’authenticité dans l’obscurité des parapluies et autres mentions, fussent-elles manuscrites, interpelle notre responsabilité en fragilisant les relations que notre statut oblige à sécuriser ». Et de développer cette argumentation. Voilà qui a inspiré de nombreuses réactions, à commencer par celle d’Henri Bosvieux et de Philippe Delattre. Nous les publions toutes deux.
• La réaction de Me Henri Bosvieux : « Nos actes sont une honte »
« Oui, cette mention manuscrite est une honte pour la profession : c’est une brèche dans l’authenticité. Suggérons, dans cet ordre d’idée, d’inclure la mention manuscrite, dans les donations, qu’elles sont “irrévocables”, nos actes ne le disent pas. C’est inutile, mais pourquoi un signataire ne mettrait-il pas en cause le notaire qui ne le lui aurait pas dit ? La mention manuscrite devient une décharge. Nos actes sont notre honte. Il y a un site sur internet qui pose la question suivante : Faut il mettre les actes notariés à la poubelle ? Bien entendu, nous n’en tenons pas compte, voire nous le méprisons. Mais les observations qu’ils contiennent sont souvent pertinentes. « Il nous revient d’assurer (…) leur lisibilité, clarté et efficacité » dis-tu. Je doute que la profession y parvienne : pour preuve, les formules proposées par la nouvelle société informatique financée par le notariat sont toujours du même galimatias. Amitiés et bon combat. J’ai rendu les armes, à mon corps défendant. »
• La réaction de Me Philippe Delattre (Lille) : « Le mal nous ronge de l’intérieur »
« Cher Jean-Claude, Ton dernier article parle d’or ! Certes, l’une des premières atteintes à l’authenticité vient de la loi ! Certes, le parapluie est une constante d’une profession précautionneuse ! Mais que dire de tous ces notaires (et notamment les plus jeunes) qui font consciencieusement parapher, signer, sinon phraser les innombrables annexes de leurs actes, qui en contiennent déjà le résumé essentiel ? L’article 8 du décret du 26 novembre 1971 dispose que « les pièces annexées à l’acte doivent être revêtues d’une mention constatant cette annexe et signée du notaire. » Dans ce cas, les annexes font corps avec l’acte notarié et peuvent être considérées comme formant partie intégrante de la minute. Quel tribunal, quelle cour d’Appel a condamné un notaire au prétexte qu’il n’avait pas fait signer les annexes aux parties ? A ma connaissance (et à celle du CRIDON du Nord à la date du 30 septembre 2005), il n’existe aucune décision de jurisprudence ayant mis en jeu la responsabilité d’un notaire n’ayant pas fait apposer la signature des parties sur un écrit annexé à l’acte et non relaté dans le corps de l’acte. Et malgré cela, malgré des textes clairs et une jurisprudence favorable, des milliers de notaires et de clercs habilités continuent de nier les fondements même de l’authenticité, en appliquant à leurs actes les mêmes règles qu’aux actes sous seing privé, au nombre d’exemplaires près. Tu as raison, Jean-Claude, de même que nos instances devraient parfois rappeler gentiment les règles de savoir vivre entre notaires (on se tutoie, on ne fait pas appeler un confrère par sa secrétaire), de même devraient-elles rappeler à tous les règles de l’authenticité plutôt que de se faire applaudir en se contentant d’en dénoncer certains excès législatifs. Soyons les premiers à en être fiers ! Nous le devons à nos successeurs ! »