Dans notre précédent numéro (N2000 n°472), Maurice Urvoy nous a tout dit sur Pierre Martan, pionnier et compagnon de la première heure. Pour l’avoir vécu, puis-je mettre en lumière un trait de son caractère ?

 

Avec son petit sourire quasi permanent, éclairé par l’amitié qui irradiait son visage généreux, Pierre Martan savait se montrer intraitable en matière de rigueur budgétaire. Il prenait à cœur son rôle de trésorier du Mouvement Jeune Notariat à une époque si lointaine où l’on s’évertuait à ne pas dépenser plus que sa bourse ne le permettait. Avec lui, pas question de tendre la main, ni de solliciter, pour arrondir ou améliorer son ordinaire. Conscient de ses responsabilités, on devait compter avec lui. Tout projet était passé au crible de son inaltérable bon sens. Tout superflu était impitoyablement écarté.

 

Congrès MJN 1983

Octobre 83, Dominique Ferru, président du Mouvement Jeune Notariat, m’avait laissé, avec mon équipe, carte blanche pour organiser le congrès. Parler budget avec Pierre Martan a marqué ma mémoire. Il fallait rester en France, disait-il, car personne ne supporterait d’aller s’amuser « sous les cocotiers » alors que nous venions de vivre deux années si éprouvantes, si dures. Même si le virage politique à 180 degré venait d’être décidé, la profession avait eu chaud, très chaud. Nos dirigeants d’alors s’en souviennent, n’est-ce pas Président Chardon ? « Pourquoi pas le Mont-Saint-Michel ? » « Oui, mais il faut rester modeste et faire un congrès pas cher. Ainsi auras-tu quelques notaires de base » (le mot est de lui !). À cette aune, tout fut pesé et passé au crible. Petit budget, certes ! Avec un logement spartiate et des menus frugaux, il veillait au grain…

 

L’histoire du chameau et du Concorde

Dans ces mêmes années, un peu plus tard, nous étions en commission au CSN au titre de l’Assemblée de liaison. Il était question de plans de développement, alors en projets. Pierre parlait peu, jamais pour ne rien dire. Il était écouté. Ainsi laissa-t-il tomber, en conclusion d’une séance : « Le CSN est bourré de bonnes intentions. Seulement voilà, il veut donner du kérosène à tous les voyageurs, à ceux qui volent en Concorde comme à ceux qui voyagent à pied devant leur chameau et qui n’auraient besoin que de fourrage ». Le silence s’est fait et, soudain, un fou rire général et irrépressible a secoué la dizaine de membres de l’éminent aréopage. Autant dire que le repas qui s’ensuivit a rarement été aussi joyeux.

 

Merci Pierre, simple, modeste, mais rigoureux et profond. Adieu l’ami.