Il n’existe pas de décoration notariale. Nous avons pourtant moult dignitaires à honorer au sein de notre belle profession. Certes, les confrères les plus méritants ont coutume de se rabattre sur des décorations grand public (Ordre national du Mérite, Légion d’honneur). Mais diantre ! notre profession n’est-elle pas digne de brandir son propre et fier galon ? Et quoi, n’est-ce pas une saine communication que de pouvoir repérer d’un coup d’œil les caciques de sa caste ?

Nous conviendrons tous, comme un seul homme (femmes incluses), de l’utilité d’une décoration « made in LTM » (comprenez La Tour Maubourg). En effet, décerner une décoration notariale faciliterait, en interne, la mise au placard des confrères devenus envahissants. Dépendre pour cela d’un ministère de tutelle n’est pas propice à un renouvellement rapide des talents. Sans compter qu’une décoration autogérée permettrait d’alléger les colonnes des revues professionnelles qui ruissellent d’obséquieuses allégeances soigneusement distillées pour services rendus. Mais la chose n’est pas à prendre à la légère, car des fiertés mal placées auraient vite fait de se trouver froissées… Examinons donc, avec soin, les dessous de notre future distinction.

Le nom d’une décoration de notaire
L’histoire du notariat fourmille de saints patrons exemplaires. Il serait aisé de débusquer un modèle destiné au baptême générique des vaillants élus de notre reconnaissance collective ! Les impétrants ne seraient pas affublés d’une « légion d’honneur », ou d’un « mérite », mais deviendraient « scribe éternel », « tabellion fameux », « grand plumier »… D’aucuns suggèrent qu’il serait plus chaleureux d’utiliser le nom d’un notaire mythique qui aurait marqué notre inconscient professionnel. Curieusement, un rapide sondage montre que les candidats aux récompenses n’aimeraient pas recevoir la mention « Justin Conseil » pour titre de gloire. Allez comprendre… Et pourquoi pas : « beau Réal » ? D’autres disent qu’il faudrait s’inspirer de Molière. Toutefois, dans ses pièces, notre bon Poquelin ne désigne aucun confrère par patronyme ! À la fin des « Femmes Savantes », un notaire est bien mis en scène : il hésite face aux ordres (1) mais n’hérite ni d’un nom, ni d’un prénom. Aussi, et pour sacrifier à la mode du vintage médiatique, il me vient le souvenir impérissable d’un illustre confrère à qui le rôle ne peut échapper. C’est le notaire joué par Francis Blanche dans les Tontons Flingueurs (2). J’ai nommé : Maître Folace ! Quoi de plus sonore, éloquent et gratifiant que le nom de « Folace » pour honorer nos plus distingués confrères avides de récompense !? D’autant que l’appellation se décline : Folace de la confraternité, Folace de la communication, Folace de l’innovation, Folace du montage juridique, Folace des instances… Folace par-ci, Folace par-là  ! Comme vous le voyez, l’essayer, c’est l’adopter !

Le choix de l’insigne de notaire
Une fois baptisé, le décoré du notariat doit être reconnu ostensiblement comme tel. Il faut donc doter notre décoration d’un signe distinctif ! On pourrait imaginer une plume car la plume, c’est ce que l’on tient quand on est notaire. De plus, la plume n’est pas loin des palmes… et les palmes, c’est très académique, avec un petit côté cannois ! Nos monarques d’ailleurs avaient coutume, jusqu’à l’époque classique, de porter panache. Détail qu’on retrouve chez nos amis mousquetaires et, même, dans la fine coquetterie des couvre-chefs bavarois. Mais je crains que la plume n’ait vécu et le panache avec… « L’ère moderne sera dématérialisée ou ne sera pas » nous dit-on ! Aussi mon ultime préférence ira à la tablette numérique ! Foin des plumes, panachons-nous de tablettes ! Notre profession ferait, encore une fois, l’avant-garde d’une communication de progrès. Imaginez comme ils seraient beaux, nos distingués collègues, portant fièrement sur la tête un genre de coiffe à la forme évocatrice de tablette tendance numérique. Sans oublier le stylet accroché à la boutonnière ! L’un et l’autre seraient d’ailleurs reliés ensemble. On n’utiliserait pas pour cela un câble qui serait fort mal pratique, ni une connexion wifi qui serait invisible. Il faudrait un hologramme du même bleu bi-teinte que celui de notre Marianne à logo. Et cet hologramme oscillerait entre tablette et stylet à la manière d’une danseuse orientale ou d’une girouette bien graissée. Ainsi, donc, avis aux amateurs : qui fera le premier Folace à tablette ?

1. « Allons, Monsieur, suivez l’ordre que j’ai prescrit. Et faites le contrat ainsi que je l’ai dit ». Ce sont les derniers mots de la pièce…
2. Merci à Audiard et Lautner pour ce moment de délice !