Entretien avec Michel ARTAZ, spécialiste du viager immobilier et financier depuis plus de 25 ans et auteur de “Viagers : régime juridique et fiscal” paru chez Dalloz (collection Delmas).
« Plus de transparence avec le TRIP ! » Entretien avec Michel ARTAZ
Notariat 2000 : Le viager immobilier est-il encore d’actualité ?
Michel Artaz : Il se porte mal. Les vendeurs sont de plus en plus nombreux, les acquéreurs deviennent rares. Les rentes viagères sont souvent trop élevées. Le calcul de la valeur occupée du bien, de la rente viagère, diffère très sensiblement selon les barèmes ou logiciels utilisés : vendeurs, acquéreurs et professionnels en sont souvent désorientés. C’est pourquoi je préconise la transparence des calculs de la vente viagère tant pour les vendeurs que pour les acquéreurs.
Notariat 2000 : Que proposez-vous pour répondre à cette nécessité de transparence ?
Michel Artaz : De mentionner la performance théorique du viager, acquise par l’acquéreur au terme présumé de l’opération (l’espérance de vie du vendeur). Cette performance pourrait apparaître sous la forme d’un taux appelé TRIP (Taux de Rendement Interne Prévisionnel annuel), pouvant être comparé à celui d’un autre placement. Ainsi, vendeurs et acquéreurs s’engageraient en toute connaissance de cause. Bien entendu, ce TRIP n’aurait qu’une valeur indicative. La réalité dépendra de l’évolution de la valeur du bien, des rentes et charges payées et de la durée de l’opération. Les courriers adressés aux parties, le compromis et l’acte de vente mentionneraient : • Les diverses espérances de vie du crédirentier : celles de l’INSEE, celles utilisées par les compagnies d’assurances depuis le 1er janvier 2007 pour les rentiers viagers, celles utilisées en fait pour les calculs de la rente viagère immobilière ; • Le taux de rendement interne prévisionnel (TRIP) annuel que pourra espérer l’acquéreur au terme présumé de l’opération sur les sommes investies (bouquet, commission d’intermédiaire, frais d’acquisition, rentes viagères versées et les charges annuelles estimées du propriétaire).
Notariat 2000 : En fait ce TRIP pourrait être comparé à un TEG en matière de prêt bancaire ?
Michel Artaz : Tout à fait. Toutefois, plusieurs taux de rendement interne prévisionnel pourront être déterminés (selon les espérances de vie prises en considération, avec ou sans charges…). Bien entendu un tableau permettant de vérifier ce TRIP devra également être joint.
Notariat 2000 : Les comparaisons des espérances de vie entre les compagnies d’assurances et l’INSEE marquent des différences importantes. Comment l’expliquez-vous ?
Michel Artaz : Ceux qui vendent en viager espèrent vivre longtemps d’où un phénomène « d’anti-sélection » des vendeurs qui explique les espérances de vie utilisées par les compagnies d’assurances. En effet, ceux qui ont de sérieux doutes sur leur état de santé ne vendent généralement pas en viager, sauf certains qui y sont contraints pour des raisons financières. Les tables de l’INSEE s’appliquent, elles, à l’ensemble des Français, quel que soit leur état de santé. C’est pourquoi les espérances de vie prises en considération dans nos calculs de la rente viagère immobilière doivent être mentionnés.
Notariat 2000 : Quels conseils donneriez-vous aux rédacteurs d’actes ?
Michel Artaz : Ce sont surtout des erreurs à éviter. Voici les plus fréquentes : 1. Calculer les droits d’enregistrement, émoluments du notaire, honoraires de négociation notariale sur la valeur libre lorsqu’ils doivent l’être sur la valeur occupée du bien. 2. Déterminer la valeur d’un bien occupé par le vendeur, bénéficiaire d’un seul droit d’usage et d’habitation, en se servant du barème fiscal de la valeur de la nue-propriété d’un bien : en fait, c’est la valeur économique qui doit être utilisée ! 3. Oublier de mentionner un complément de rente en cas de libération anticipée. Il faut être très prudent dans la détermination du complément de rente : il est souvent trop modeste. 4. Mentionner la possibilité de substituer une compagnie d’assurances pour le paiement de la rente viagère : elle ne peut être envisagée lorsque la rente est indexée sur le coût de la vie, possibilité qu’aucune compagnie d’assurances ne peut aujourd’hui offrir. 5. Prendre un taux d’intérêt pour le calcul d’une rente viagère supérieur à 2,50 % pour le viager libre. Il faut toutefois veiller pour les jeunes crédirentiers à obtenir un taux de rente viagère supérieur à la rentabilité nette du bien aliéné. 6. Ne pas préciser, si la clause résolutoire venait à jouer, que le bouquet ne sera pas à restituer. 7. Ne pas indiquer avec précision la répartition des charges entre les parties pour le viager occupé.
Réagissez à cet article ! Que pensez-vous de la mention du TRIP dans vos actes avec le tableau des calculs ? Y êtes-vous favorable ? Avez-vous d’autres idées ? Toutes vos observations relatives au viager nous intéressent. Ecrivez-nous par mail ([email protected]) ou directement à la revue (Notariat 2000, BP 21. 19231 Pompadour).