Je n’ai certes pas le talent onirique et la constance inépuisable de MLK, mais il m’arrive de rêver d’une réforme de fond du tarif, conduisant cet outil indispensable à être enfin conforme aux objectifs qu’il prétend poursuivre. La réforme de 2006 avait partiellement brisé mon rêve, celle de 2007 n’aura pas su le réparer…
Entre l’idéal de gratuité du « village mondial » et le libéralisme absolu façon Banque Mondiale, il faut bien avouer que la défense d’un tarif n’est pas chose aisée. Quelles devraient donc être les caractéristiques d’un tarif « idéal » ? Si je me fie aux réactions de ma clientèle, il me semble qu’un tel tarif devrait être à la fois bon marché, lisible et proportionné pour celui qui paie, et suffisant, applicable et équitable pour celui qui facture.
Peut-on réellement dire que notre tarif actuel (avant ou après réformettes) respecte ces exigences ?
• Bon marché : Il suffit de pratiquer régulièrement la signature d’actes dont le prix exprimé avoisine les 500 E pour se rendre compte que la notion de « bon marché » est plus facile à faire passer lorsque cette valeur compte trois zéros de plus avant la virgule.
• Suffisant : Curieusement, la notion de suffisance suit la même courbe : il est rare d’entendre un notaire se plaindre de la rémunération d’un acte à 500 000 E, mais, à ce niveau, certains de nos détracteurs commencent à crier à l’excès…
• Lisible : notre tarif l’est, assurément. Compréhensible, c’est autre chose ! La plupart de nos clients suspectent ces codes « informatiques ». Les « planteurs de marronniers » de la presse nationale ont encore de beaux jours à espérer !
• Applicable : Oui, mais à condition de consacrer un peu de temps à fouiller dans les détails du Commentaire du Tarif , publié « sous l’égide » du Conseil Supérieur (pourquoi pas une rubrique sur notre cher intranet ?). Et gare à nos interprétations si nous ne voulons pas subir les foudres dévastatrices d’un inspecteur…
• Équitable : Est-il vraiment équitable d’établir la facturation en fonction de la valeur alors que nous effectuons un travail identique pour des biens de même type, mais de valeur différente ? Pourtant, selon le lieu de situation du bien, nous pourrons vendre notre travail à perte ou à très gros profit.
• Proportionné : Comment nos clients pourraient-ils comprendre notre rémunération lorsqu’elle touche à des valeurs extrêmes ?
Il suffit de lire la prose de nos détracteurs pour comprendre que cette proportionnalité à la valeur sera probablement la cause de la suppression du tarif, si celle-ci doit intervenir.
Péréquation
Ce tarif « idéal », d’autres avant moi (Louis Reillier, Pierre Martan, pour ne citer qu’eux…) l’ont rêvé. Il tient en un mot : péréquation. Comprenons nous bien : il ne s’agit pas de cette prétendue péréquation entre gros et petits actes pour le notaire, que les promoteurs du tarif de 1978 avaient mis en avant, et qui, si l’on y prête attention, n’existerait qu’à condition qu’un même notaire effectue à proportion plus ou moins égale des actes de valeurs diverses. Je vous propose une péréquation à l’acte, sans référence au notaire, mais dans l’intérêt du client. Sans entrer dans les détails (mais si vous souhaitez participer à une réflexion informelle sur le sujet, je suis à votre disposition), il s’agirait de forfaitiser, autant que possible, le coût des formalités et, surtout, d’effacer pour le client le coût des actes (rédaction et formalités) portant sur les valeurs les plus faibles. Sans pour autant condamner leur rédacteur à la disette. Il s’ensuivrait, je vous le concède, une très faible augmentation du coût des actes portant sur des valeurs moyennes et hautes (assortie d’un déplafonnement). La compensation s’appliquerait à tous les notaires, dans les deux sens, le système de compensation étant mis en place en utilisant des outils déjà disponibles, mais qui ne sont aujourd’hui que contraintes. Si nous sommes un « service public », ne sommes-nous pas d’abord et avant tout au service du public ? Ce tarif qui nous est si cher, l’est-il pour de bonnes raisons ?
Imaginez un instant :
• Que le tarif des notaires soit abordable pour les petits actes et qu’il ne soit pas beaucoup plus cher pour les gros (ce surcoût ayant, de surcroît, un véritable « rôle social ») ;
• Qu’il soit réellement lisible et exempt de toute possibilité d’interprétation au point que tous les sites de calcul de « frais de notaire » tombent juste, de façon unanime ;
• Que le quadrillage juridique national ne soit pas un simple argument pour justifier que certains soient appelés à se sacrifier pour la survie confortable des autres…
Ne pensez vous pas que nous (citoyens français ET notaires) aurions tout à y gagner ? Reste un écueil important (mais pas insurmontable, les dernières évolutions le démontrent) : seul le CSN dispose des informations, des moyens et des effectifs pour une simulation à grande échelle, et il persiste à s’arroger une exclusivité jalouse du sujet…Or c’est bien connu, l’imagination n’est pas toujours le moteur du statutaire. De là à dire qu’il ne nous reste que le rêve…