Par Didier Mathy, Laurent-Noël Dominjon,
Le manifeste contre les notaires est l’exemple même de ce que l’on peut faire lorsqu’on est obsédé par le résultat, et que l’on ne prend pas suffisamment de recul. Les courageux non-signataires du collectif Non-Taire (1) – dont Laurent Lèguevaque et Vincent Le Coq sont les porte-parole (2)-, prennent en effet toutes les libertés. Ils n’hésitent pas à assembler des anecdotes ponctuelles pour en faire autant d’arguments. Tout n’est certes pas faux dans ce joyeux méli-mélo, mais chaque élément est présenté de telle manière que le notariat, pris dans son ensemble, apparaît comme seul coupable. La charge est tellement systématique qu’elle en devient confuse. Pire ! Des éléments officiels et publics (le tarif des notaires par exemple) sont présentés de manière à rendre leur lecture insupportable à toute personne ne pouvant les analyser.
Trop, c’est TROP !
L’exemple le plus flagrant, « tiré d’une situation parfaitement banale » (3), aboutit à dire que le notaire touche plus du quart de la part de chacun de deux neveux dans la succession de leur tante. Les chiffres sont « justes », l’interprétation qui en est donnée serait, quant à elle, plutôt « injuste »… Le « monstrueux notaire » reçoit en effet un partage transactionnel, situation parfaitement banale convenons-en, et qui n’est, de toute évidence, due qu’à la volonté du notaire ! De plus, une fois la rémunération ainsi gonflée, on la déduit entièrement de la part de chacun des neveux, ce qui a pour effet magique d’en doubler l’incidence ! Trop c’est trop ! Il n’est plus possible de laisser paraître, sans réagir, de tels brûlots sans autre fondement que la haine ordinaire et la rancœur ! Nous savons tous que le notariat n’est pas parfait et qu’il y aurait lieu, pour ces professionnels de l’authenticité que nous sommes, d’affronter réellement en face tous les aspects, y compris les moins satisfaisants, de notre comportement global et/ou individuel. AVEC les notaires, on pourrait peut-être en finir avec les différents reproches qui ont été, sont, et seront faits à notre encontre ! SANS les notaires, ne risque-t-on pas de voir ce qui, au sein de notre profession, constitue l’exception devenir précisément la règle ?
Vent de révolte
Imaginons que nous appliquions à ceux qui nous attaquent et, pourquoi pas, à tous les professionnels qui se prétendent capables de nous « remplacer » le même processus d’analyse subjective… Imaginons que la bave de la blanche colombe, qui, jusqu’à présent, ne mouille pas le crapaud notarial (car elle glisse sur le parapluie de son indifférence), soit renvoyée au prétentieux volatile par l’effet d’un vent de révolte… Finissons-en, effectivement, AVEC les notaires ! Ouvrons les yeux de nos concitoyens sur les pratiques que nous constatons tous, tôt ou tard, chez les autres professionnels. Elles démontrent le plus souvent que ce n’est pas par la suppression des notaires ou de leur tarif que passe l’avenir, mais par l’analyse objective et constructive de ce qui constitue les racines mêmes de la culture romano-germanique. Le libéralisme absolu est à la mode ? La belle affaire ! Lorsqu’une mode est démodée, c’est démodé d’être à la mode ! Soyons donc en avance, revenons aux bons principes du passé ; sans conservatisme aucun, réfléchissons à leur évolution. Et, par une analyse saine, consciencieuse et non partisane, nous en parviendrons certainement à une phrase clef : si les notaires sont un jour « supprimés », d’autres feront leur travail, moins bien, et pour beaucoup plus cher !!! Nous n’avons certes pas la preuve de la véracité de cette affirmation, mais rien, et surtout pas le manifeste, ne démontre à ce jour le contraire.
Lecteurs à vos plumes (claviers) ! Vos témoignages, anecdotes et remarques, nous intéressent !
1 – Le collectif est composé de juristes venant de tous horizons (et notamment de diplômés notaires) qui ont souhaité garder l’anonymat.
2 – Laurent Lèguevaque a été juge d’instruction pendant 14 ans avant de démissionner en 2005. Vincent Le Coq, docteur en droit public, a été avocat durant 10 ans. Depuis 2000, il est maître de conférence en droit public à l’Université de Toulouse.
3 – Cf. Page 73.