Doit-on s’excuser d’avance de tenir, sur Télé@ctes, des propos iconoclastes ? Sans doute, car Télé@ctes est une icône : un objet de piété dont l’utilité est de susciter les louanges… Pour ma part, je n’y vois qu’une diablerie que je tente de dénoncer depuis des années.
L’essentiel et l’accessoire
Télé@ctes a été conçu par l’Administration pour diminuer le nombre de fonctionnaires et alléger le budget de l’Etat. La méthode a consisté à reconstruire la fabrication de l’acte notarié en fonction des contraintes du logiciel de publication. Je suis peut-être vieux jeu, mais aussi sûrement que la Terre tourne autour du Soleil, ma foi galiléenne m’enseigne que l’acte notarié est au centre et que la publication n’en est qu’un satellite. Dans Télé@ctes, à l’inverse, c’est l’acte qui devient l’accessoire et c’est la publication qui devient le principal. Tout le malaise découle de là. Pire, du mal individuel de l’office, on passe à une gangrène de la profession tout entière. En effet, rien ne nous garantit que le système, une fois parfaitement mis au point grâce aux deniers notariaux, ne sera pas vendu par l’État à d’autres télérédacteurs, les avocats bien sûr, mais aussi et surtout les banquiers. La marque Télé@ctes est déposée certes, mais le procédé est à la disposition du gouvernement. Non Télé@ctes n’est pas une simple icône, c’est le veau d’or qu’on a donné au peuple notarial pour le détourner du droit chemin … ou du chemin du droit ! Information pertinente entre privé et public
Quelle est l’essence de la publicité foncière ? Tout simplement de retrouver l’acte. Pour retrouver de l’information, de nos jours, on utilise des systèmes d’indexation dématérialisée. Les moteurs de recherche fournissent non pas le document, mais l’adresse où l’on peut se procurer l’information et dont seule l’indexation a été centralisée dans un fichier. Ce découplage entre le stockage de l’information et le référencement de son emplacement n’est pas utilisé dans Télé@ctes. Le système ne met pas en œuvre la distinction entre l’information publique et les données privées, cause principale des lourdeurs logicielles, organisationnelles et rédactionnelles qui l’empêchent de décoller. Pourtant, le découplage du stockage de l’information et des flux de recherche existe déjà, y compris dans notre profession avec le fichier des testaments. C’est sur ce modèle du référencement dématérialisé, où le fichier est ouvert mais la bibliothèque est verrouillée, où l’annuaire est public et le domicile est privé, qu’une publicité foncière moderne devrait être mise en place.
Publicité foncière de l’ère numérique
Imaginons un instant qu’on décide d’instaurer une publicité foncière moderne conçue selon les canons de l’ère numérique. Chaque notaire adresserait à un fichier central les « seules » informations pertinentes pour que l’acte puisse être retrouvé (l’identité des parties, la désignation parcellaire, le type d’acte). L’indexation et la requête par moteur de recherche se feraient selon ces trois critères. Tout requérant pourrait interroger le fichier par un moteur de recherche qui renverrait aux notaires ayant reçu un acte concernant soit la personne, soit la parcelle ou le lot. Et c’est auprès du notaire rédacteur qu’on se procurerait la copie d’acte. Chaque office producteur de titres serait sa propre Conservation des hypothèques ! Globalement, le foncier passerait par le notariat. Ce système ne coûterait plus rien à l’État, serait protégé contre le piratage par la dispersion des informations dans chaque étude, protégerait les libertés informatiques par la responsabilité du notaire attachée à la délivrance des copies, l’autonomie rédactionnelle serait restaurée. Le système serait adapté d’avance aux évolutions rédactionnelles, à de nouvelles conventions, et serait reproductible dans tous les pays assurant une compatibilité entre droit écrit et common law ! Le notariat pourrait racheter les locaux des Conservations et en reprendre le personnel afin d’assurer la gestion du stock de publication antérieur au nouveau système. Ce serait un nouveau graal pour notre profession. L’horizon notarial s’élèverait au-dessus des brumes du nivellement « manageurial » en redonnant à la société l’espoir qu’elle peut accéder à des valeurs que, seul, le notariat est capable de prodiguer. Le notariat y trouverait sans doute son identité et mes ancêtres pourraient alors exulter : « alléluia, ça c’est le notariat ! ».