Dans un précédent numéro (N2000 n°508, p. 14 et 15), notre rédacteur Yvon Rose rappelait le principe fondateur des États généraux. Fort de ce principe, il appelait ses confrères à noter ce qui leur tenait à cœur. Si les réponses furent peu nombreuses et souvent anonymes, elles furent d’une grande qualité et ont surtout permis de mesurer les préoccupations et revendications des notaires. Bon nombre d’entre elles avaient déjà fait l’objet d’articles dans nos colonnes. Voici un rapide abécédaire de quelques-unes de vos doléances…
A comme Authenticité
« Le fondement de l’existence du notariat réside dans l’authenticité. Tous les notaires sont convaincus de ceci. Mais l’authenticité n’est pas assez défendue, ni même promue, par les notaires et encore moins par les pouvoirs publics. Pourtant cette délégation de l’autorité de l’Etat qui permet de se passer de l’intervention du juge, devrait être encouragée et développée. Je souhaiterais que l’on crée une cellule de réflexion composée de professeurs de droit, de notaires, ainsi que de personnalités du monde des affaires ou de la société civile dont la mission serait de chercher de nouvelles applications à l’authenticité, et surtout une nouvelle définition de celle-ci. Le jour où l’opinion publique et les corps intermédiaires auront compris ce qu’est l’authenticité l’avenir de notre profession sera assuré. » (Me Axel Depondt, Paris).
B comme Bon sens
• « Il faudrait abolir la cupidité, abolir la médiocrité et abolir la connerie ! » (un notaire du Cantal).
• « Il faudrait faire comprendre aux plus jeunes la patience qu’avaient leurs prédécesseurs pour devenir des notaires aguerris, faire comprendre aux plus anciens notaires la nécessité de partager plus tôt les postes clés des instances professionnelles et, enfin, il faudrait faire réfléchir tous mes confrères sur la notion de solidarité du notariat. » (un notaire du Rhône).
C comme communication
• « Oui à une communication efficace et moderne, mettant en avant les avantages, les forces du notariat (sécurité, compétences, modernité) et non à ces campagnes un peu ’cucu’ qui ne permettent pas vraiment de rénover l’image du notariat dans l’esprit du public ». (un notaire de l’Eure).
• « La communication de notre profession (…) fait apparaitre le notariat comme poussiéreux. Nous devons être au devant de la scène pour montrer notre utilité, notre métier et notre professionnalisme. » (un notaire du Vaucluse). • « Il faudrait des campagnes de communication plus branchées » (un notaire de la Somme).
D comme démocratie
« Notre profession se sclérose, arc-boutée sur des certitudes jamais remises en cause. Pour dynamiser tout cela, ne pourrait-on améliorer la démocratie dans nos instances : supprimer les « comités des sages », réformer le déroulement des votes en AG en tenant compte des votes positifs sur un ordre du jour fourni à l’avance… L’efficacité n’est pas forcément exclusive du débat, surtout sur le long terme. » (un notaire de Dordogne).
E comme employés
• « La force du notariat repose également sur ses collaborateurs : leurs formations, leur rémunération et leurs conditions de travail sont les piliers à ne pas négliger si on veut éviter de leurs faire perdre leurs acquis et ne pas les abandonner à une autre profession du droit. » (un notaire de Loire Atlantique) • « Il aurait été bon que les personnels soient également invités à ces état généraux. Le notariat ne se réduit pas aux seuls notaires installés. » (un notaire de Loire-Atlantique).
F comme facturation
« Le critère du maillage territorial nous sauve à chaque attaque (Commission européenne, acte d’avocat, nouvelles missions). Or, il est assuré par les petits notaires ruraux. Il serait bon qu’enfin la profession « se penche sur son humble servante ». Ainsi, toutes les sociétés satellites du notariat pratiquent des tarifs à la prestation (Cridon, Portail des notaires, Fichiers Min et Perval). Le coût de ces prestations, qui représente une goutte d’eau pour les mammouths, forme des rivières pour les petits. Le produit moyen à l’acte s’en ressent et l’écart s’accentue toujours entre le notariat d’en haut et le notariat d’en bas. Pourtant, on nous dit que notre profession est solidaire. Alors, chiche, soit on intègre ces menues dépenses dans les cotisations et on base ces dernières en pourcentage du net ; soit on exige des « sociétés satellites » qu’elles pratiquent un tarif proportionnel au produit moyen à l’acte ; soit on est « grand seigneur » et on fait « gratis » pour les offices à chiffre inférieur à un certain produit à l’acte. Pourquoi ? Mais, parce que, dans la forêt de Sherwood, il y avait Robin des Bois pour ne pas laisser la part un peu trop belle au Shérif de Nottingham. » (Me Etienne Dubuisson, Dordogne).
I comme Inventeur de site
« Il faudrait faciliter la création de nouveaux offices par la reconnaissance de la notion d’inventeur de site. Les modalités sont à définir, mais voilà un moyen simple et démocratique d’augmenter le nombre de notaire ! » (un notaire de l’Eure).
N comme Nouvelles missions
• « Il serait opportun tant pour le ministère des Finances que pour la régularisation entre les parties d’actes très importants de cessions de parts de SCI que celles-ci soient régularisées par acte notarié. J’ai notamment pu constater que de plus en plus de cessions de parts sociales subissaient un défaut, voire une absence totale dans l’exécution des formalités postérieures. En réalité, on pourrait se demander s’il ne s’agit pas d’évasion fiscale voulue. Je pense que le notariat mettrait fin à ces abus. En ce qui concerne l’assurances-vie, nous assistons également à un défaut de communication. On nous oppose des « secrets » qui peuvent avoir une répercussion sur les quotités disponibles dans les dossiers de succession traités. » (un notaire de l’Hérault).
• « Mes doléances : la cession de parts de société à prépondérance immobilière obligatoirement par acte notarié ; le divorce « privé » organisé par le notaire et homologué par le juge. » (un notaire de l’Essonne).
O comme Opacité
• « Nos instances devraient rendre compte de leurs budgets de fonctionnement. Il faudrait également simplifier le régime des cotisations professionnelles obligatoires (base de calcul) ». (un notaire de l’Eure) • « L’action du CSN devrait être plus transparente, notamment dans les sociétés satellites (société Thémis, Mnémosyne, ADSN et ses filiales, gestion de la CRPCEN). Il convient également de rappeler au CSN qu’il gère nos cotisations et notre avenir, et qu’il existe en France des offices notariaux de petite taille, qui font un travail utile, de qualité et de proximité. » (un notaire du Tarn).
• « Diverses émanations du notariat, notamment REALNOT, ont une situation de monopole qui leur permet de facturer, de façon éhontée, leurs prestations. Le flou artistique sur le devenir des « superproduits » qu’ils génèrent me dérange.
Une question enfin : pourquoi les téléréquisitions nous sont-elles facturées alors qu’elles sont réalisées par nous, que nous avons formé le personnel, financé les systèmes informatiques nécessaires, etc ? Alors même qu’on ne peut le refacturer aux clients ? Même si le montant reste limité, le principe est choquant. » (Me Pierre Julien, Aveyron).
S comme Spécialisation
« Admettre qu’un notaire ne peut pas forcément être un généraliste du droit ne doit pas être un tabou : la spécialisation du notaire dans un domaine de compétence particulier doit pouvoir drainer la clientèle et la maintenir vers le notariat, si tant est que la confraternité puisse s’exercer pleinement ! » (Thomas Lebert, Loire Atlantique).
T comme Tarif
• « Il faudrait revoir le tarif des notaires pour favoriser la répartition sur le territoire des offices et rendre notre profession moins capitalistique : augmentation du tarif minimum avec éventuellement une caisse de péréquation (les petits offices recoivent l’essentiel des petits actes) ; baisse du tarif proportionnel pour les bases importantes, plafonnement… » (Me Frédéric Lacazedieu, Tarn).
• « La profession devrait davantage s’occuper des préoccupations économiques que rencontrent les notaires de la base de la pyramide notariale qui, malgré les efforts de chacun, vacille. Le tarif n’est plus adapté à la gestion de nos entreprises. La politique ’low cost’ que le client désire ne répond pas à l’augmentation régulière des charges. » (un notaire de la base et découragé).
Z comme Z’ai rien compris…
• « Je ne comprends pas pourquoi on a fait une campagne terrible contre l’acte d’avocat pour finalement dire OK au projet ? » (un notaire de Haute Savoie). • « Une fois de plus, le notariat a ’baissé sa culotte’ devant la toute puissance des avocats. Actuellement, nous avons assez de mal pour faire tourner nos ’boutiques’ (augmentation des cotisations CRPCEN notamment), mais il faut nous enfoncer encore un peu plus ! Tout ceci m’incite à partir sous d’autres cieux ! » (un notaire de la Mayenne). • « Au regard de l’acte authentique/acte sous signature privée, j’ai l’impression de vivre le sketch de Fernand Raynaud où, pris dans la tourmente d’un embouteillage place de la Concorde, des véhicules tournent en rond sans pouvoir s’échapper. L’un d’eux, l’ambulance, transporte un blessé ’le notariat’, l’autre du lait : ’le barreau’. Au fil des heures, le lait se bonifie en beurre et le blessé quitte l’ambulance pour rejoindre le corbillard qui la suit… » (un notaire de l’Ain). • « Après une absence totale d’aides notamment au niveau des cotisations, les instances se rappellent à notre bon souvenir par une mise en scène à la Johnny ! Combien ça coûte ? Et ça sert à quoi au juste ? » (un notaire qui ne comprend pas). n