Fort heureusement, plus rien ne me surprend et j’ai plutôt tendance à prendre la vie du bon côté. J’avoue que, parfois, j’en viens à me demander si ceux qui occupent les sommets – que ce soit de la République ou de notre profession – ne souffrent pas de la raréfaction de l’oxygène en altitude…

 

La Commission Attali vient d’émettre, page 168 de son rapport, la proposition suivante nous concernant : « Supprimer les tarifs réglementés et les remplacer par des tarifs plafonds ». Bien entendu, le CSN en souligne le risque : « (…) seuls les plus fortunés disposeraient alors d’une capacité de négociation en vue de faire baisser les prix ». J’ai la conviction qu’il s’agit là d’un dialogue de sourds dont les bénéficiaires réels sont toujours ceux, clients ou notaires, qui n’ont pas besoin d’une aide supplémentaire ! D’un côté comme de l’autre, on oublie le principe fondateur de ce « service public » qu’on feint de vouloir améliorer. Pourtant, être un service public, c’est offrir à tous, dans les mêmes conditions de tarif, de qualité, de disponibilité et de proximité, une réponse équivalente à des problèmes identiques. Bizarrement, on constate pourtant une disparité de rémunération et de coût de rédaction « acte égal ht »

Liberté, égalité, fraternité

Si, en tant que notaire, cette disparité m’agace, en tant que citoyen, elle me choque profondément ! Surtout, si l’acheteur à 35 000 000 € refuse de payer ce qui excède le seuil DSK ! Et que dire des 73 € « généreusement » accordés pour des ventes de 0,01 à 1 825 € (de 7 300 % à 4 % du prix pour une aumone pour le rédacteur). Le tarif des notaires devrait être l’expression même de l’idéal républicain.

• Liberté de choisir le notaire que l’on veut et pas le seul qu’on peut s’offrir (notre profession repose sur la confiance, si elle n’existe pas naturellement, il peut s’avérer dangereux de poursuivre la relation) ;

• Égalité de coût (à opération égale bien sûr), mais dès le premier centime et jusqu’au dernier, sans minimum à payer, ni plafond pour négocier ;

• Fraternité conduisant les citoyens qui traitent de valeurs supérieures, à payer par leur contribution une partie de la rémunération légitime d’un travail que ceux qui traitent de valeurs inférieures ne peuvent ou ne devraient pas payer, sans pour autant que ceux qui rendent le service en assument la perte.

Je suis surpris que ce plafonnement à sens unique, ne vise qu’à empêcher le notaire de s’enrichir et que l’on offre, ce faisant, aux plus aisés la possibilité de payer proportionnellement moins cher un service que les moins aisés trouvent, dès l’origine, insupportablement coûteux. Comment peut-on se prétendre au service du public si l’on envisage de faire payer la « seconde classe » plus cher afin de réduire le coût des premières ? Le public, sauf erreur, compte bien peu de gens fortunés ! Le rôle social que nous revendiquons, dépend étroitement du maintien d’un tarif, pas forcément du tarif actuel !

 

Cohésion sociale

Il nous faut promouvoir la base d’un tarif « socialement utile » : • formalités forfaitisées, • contribution des actes les plus rémunérateurs à la baisse conséquente du coût des plus petits actes, permettant à l’office qui en assume la charge d’être dignement rémunéré sans que le client ne se sente volé, • plafonnement – s’il en faut un – de la rémunération du rédacteur d’un acte portant sur une valeur exceptionnelle, mais paiement par le client de l’émolument sur une base linéaire du premier euro à l’infini. Il serait suivi d’une redistribution de l’excédent vers des actions socialement ou notarialement utiles : rémunération d’un véritable service gratuit d’accès au droit pour les plus nécessiteux, aides à l’installation ou bourses de formation pour étudiants brillants, mais désargentés… Maintenir le tarif pour le tarif, ou encore parce qu’il constitue, pour certains, une « rente de situation » (ce qu’on nous reproche à tous) serait nous condamner. Le transformer pour en faire un véritable outil d’amélioration de la cohésion sociale pourrait peut-être renverser une tendance qui, pour être à la mode, n’en est, tout simplement, qu’à la veille d’être démodée… Après tout, le cas du divorce, à l’origine du feu de paille que nous venons de connaître, pourrait probablement être réglé par une tarification des avocats ! Le sens commun est-il le bon sens ? N’y aurait-il qu’une seule voie ?