Outre le fait qu’elle soit bien vue du grand public (70 % des Français pensent « avocat » pour la famille !), la profession d’avocat est également présente à tous les échelons du pouvoir. Mais une autre de ses caractéristiques est d’être largement féminisée. En attendant un signal fort du CSN dans la composition de son prochain bureau avec trois ou quatre femmes au moins, les avocates ratissent le terrain…
La profession d’avocats comprend 55 % d’hommes quand le notariat en compte 75 % « titulaires » d’office ou de parts de SCP. On retrouve la même homogénéité de statistiques à tous les échelons de l’Ordre et instituts. Certes, dans les postes moins qualifiés, moins « glorieux » et moins rémunérés, ces pourcentages sont en chute libre : 39 % d’hommes « notaires salariés » et 15 % de collaborateurs. Quelles en sont les raisons ? Certainement pas le manque de candidates : plus de la moitié des étudiants en DES de notariat et au CFPN sont des femmes. Et plus de la moitié des diplômés notaires sont des femmes. Quel gâchis de compétences, d’intelligence, de formation dans le notariat quand on voit la faible proportion de celles qui s’installent « titulaires » ! Si la majorité ne passe pas « à l’acte », ce n’est pas par crainte d’assumer des risques. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à postuler aux créations d’office qui exigent plus d’audace. La voie royale de l’achat, soit d’office, soit de parts, est réservée pour l’essentiel aux hommes par les hommes.
Changer les mentalités
Le frein essentiel vient de ce que les hommes titulaires renâclent à choisir des femmes comme « associées titulaires » dans les scp. Ils sont prêts à leur concéder un poste de « notaire salariée » pour ne pas les perdre. Et encore, pour l’essentiel, « intégrer une femme », c’est avant tout « bon pour l’image » (sic). Autre raison, le contexte général français. Il est facile à la profession de se défausser en invoquant la norme du nombre de femmes siégeant dans les conseils d’administration des entreprises, au Parlement ou enseignant à l’Université. Plus on monte, moins il y a de femmes. 46 % de la population active est pourtant féminine, mais 80 % d’entre elles sont au SMIC ou à temps partiel. Le contexte général n’est donc pas du tout réconfortant. Le notariat a tort de s’aligner sur le pire. Il devrait plutôt s’inspirer d’autres professions (pharmaciens, chirurgiens, dentistes, journalistes, etc.) quasi à parité. « La moralité moderne veut que l’on accepte les normes de son époque, écrivait Oscar Wilde. Qu’un homme cultivé puisse les accepter me semble la pire des immoralités ».
Jouer collectif
Pour changer les chiffres, il faut changer les mentalités… En effet, rien n’est plus sournois et insidieux que d’entendre dire d’une consœur : « elle garde bien la maison du notariat », « elle sait allier vie de famille et professionnelle », « il est normal de donner une petite place aux femmes qui ne déméritent pas » ou, pire, « une profession qui se féminise est une profession qui se dévalorise ». Franchement, dirait-on tout cela d’un homme ? C’est ahurissant ! Mais c’est aussi oublier que nos consoeurs ont été dans le peloton de tête de nos promotions ! Lors des assemblées générales où le seul moment de convivialité est consacré aux félicitations pour les résultats du foot notarial, elles restent abasourdies de tant de goujaterie. Mais elles savent, en cas de remarques, de quoi elles seraient taxées par 75 % de leurs voisins. C’est encore plus grave sur le fond car la force de notre profession est de jouer collectif, quel que soit son genre.