Les États Généraux du 28 janvier dernier ont inspiré un étrange rêve à Pierre-Alain Besnard, notaire à Évreux. Nous le publions ci-dessous…
Avant même que ne s’écoule la semaine, il n’est plus rien resté de ce « formidable rassemblement » exprimant le « notariat généreux dans tous ses états » ! MAM avait lancé un tonitruant « je vous ai compris », plein de promesse. Chacun s’en était retourné dans son étude. Les clercs habilités, chers au notariat de la grande ville, avaient bien travaillé, durant l’instant magique. La veille de cette grandiose épopée, Rachida qui aimait tant les notaires, était passée à l’ennemi, en prêtant serment comme avocat devant le TGI de Paris ! C’est vrai que l’ex-chouchoute du CSN s’ennuyait ferme à Strasbourg…
Bien avant noël…
Et pourtant, tout avait bien commencé ! Le notaire de base avait été abreuvé, du haut de La Tour Maubourg, de multiples communiqués, laissant entrevoir qu’il serait défendu et ne crèverait pas, au garde à vous, sous le panonceau. Pendant que les Barreaux s’agitaient en tout sens et que les bâtonniers répandaient leur venin, les officiers publics demeuraient l’arme au pied, encaissant sans réagir, selon l’usage. À l’avant veille de Noël, ce fut le coup de théâtre à la Chancellerie. MAM fit une bouchée des bons samaritains du droit en leur imposant une monstruosité que leurs représentants avaient jusqu’alors toujours combattue. C’est ainsi que naquit l’acte contresigné d’avocat. Mais il fallait sauver les apparences et fermer le caquet des plus belliqueux… L’avant projet de loi fut donc assorti d’une incroyable déclaration d’intention pour préserver la vente immobilière dans le champ de l’acte authentique.
Cheval de Troie
Les mois passèrent très vite avant que le Parlement ne mette en pièce le fragile édifice, supprimant la fameuse clause de sauvegarde ! Le cheval de Troie pouvait entamer son œuvre dévastatrice. Le Président suprême, qui se fit couper les moustaches en signe de protestation, eut, toutefois, le privilège, avec quelques fidèles membres du bureau, de récupérer un CDD de 6 mois, comme accessoiristes chez Jean-Michel Jarre (ce dernier avait été terriblement impressionné par l’époustouflante prestation du Zénith !). Cela laissait juste le temps de manager, pour le 14 juillet 2010, sur le Champ de Mars, une réplique du Zénith pour commémorer la fusion républicaine des professions du droit. Ce jour-là, chacun fut durablement impressionné, jusqu’à l’extinction des projecteurs, par l’oraison funèbre prononcée par un ténor du Barreau transmise en mondivision. On chuchotat même que MAM – qui avait été débarquée, quelque temps auparavant, de ses prestigieuses fonctions – avait écrasé une larme.
Les chemins du changement
Quelques irréductibles organisèrent la Résistance après s’être repliés à Pompadour, dans le fief du regretté Louis Reillier, celui qui avait donné à cette belle Profession les ingrédients d’un notariat durable… Mais le lobby parisien et celui des grosses métropoles, peuplés de jeunes diplômés ambitieux, avaient tout gâché, au fil des années, en se jetant corps et âme dans une mécanique à faire du fric avec un minimum de jugeote, oubliant les fondamentaux. Quant aux autres, ils se lancèrent, avec ferveur, dans le prestigieux statut d’auto-tamponneur. Ils étaient dotés d’un savoir faire millénaire, propre à certifier tout ce qui pouvait passer en leurs mains, au tarif unique de 2 UV l’heure. Une technologie unique au monde, saluée avec brio par le nouveau garde des Sceaux, ancien Président du Conseil national des Barreaux. Ministre d’ouverture, il s’était engagé, comme ses prédécesseurs, à conduire ses « notaires résiduels » sur le chemin de la modernité et du changement. Mais tout cela n’était qu’un mauvais rêve…
Pierre-Alain Besnard
Un autre de nos lecteurs, Régis Rouffiac, notaire dans le Loiret, nous livre son sentiment suite aux Etats Généraux du notariat. Nous publions de larges extraits de son courrier.
« Les États Généraux du notariat, même pas 10 000 notaires pour la France entière, devant le barreau parisien à plus de 20 000 avocats. Si vous ajoutez la province, c’est au moins 48 000 avocats. Les États Généraux, c’est Hazincourt, la chevalerie défaite seule… C’est curieux, on n’a pas associé les employés, les clercs, les stagiaires, enfin le Tiers État dont on a vaguement parlé au bout d’une 7e ou 8e commission. Soit plus de 40 000 collaborateurs. Je crois me remémorer Monsieur K visitant les usines Dassault qui l’interpelle en ces termes : « Vous avez donc fait cela avec vos deux seules mains ! ». Le notariat, c’est évidemment un ensemble cohérent. Il est temps de conforter cet édifice en réglant, pour le conserver, les problèmes de la CRPCEN qui en est un pilier social. Dans les grandes manœuvres, l’appui de toutes les forces unies fera le poids pour contrer ces attaques récurrentes. »
Régis Rouffiac