Honni soit qui mal y pense ! La révolution Télé@ctes est bien en marche. La preuve ? 100 % de notre panel de notaires nous dit savoir ce qu’est Télé@ctes… et tous l’utilisent. Arrêt sur image.
100 % des notaires interrogés sont télé@cteurs dans l’office et plus des trois quarts (83 %) rédigent des actes à télé@cter. Joli score, même si 48 % ne le font pas pour « tout acte télé@ctable ». Dans la majorité des cas, c’est « par incompatibilité avec les actes reçus », même si quelques-uns le font « par volonté de ne pas (tout) télé@cter ». Réticence à moitié pardonnée car, nous précise un lecteur de Saône-et-Loire, « tous les actes ne sont pas télé@ctables » et il est donc difficile de faire autrement. Enfin, dans l’Hérault, un notaire nous signale faire l’impasse pour certains actes car « certaines erreurs sont longues à corriger ».
L’avis de la rédaction : Une réponse contraire aurait été inquiétante, nous ne pouvions imaginer qu’un notaire qui n’aurait pas passé 6 ans en coma profond puisse ignorer l’existence même de télé@ctes. Le message est bien passé, tant mieux. Encore faudrait-il maintenant s’interroger sur les motivations des 7 % qui expriment une « volonté de ne pas télé@cter ». Cette proportion est énorme, et mériterait sans doute à elle seule une enquête complémentaire… Sauf très rare exception, le notaire n’est pas rebelle : ces récalcitrants ont, donc, probablement, de très bonnes raisons.
Rencontrez-vous des soucis avec Télé@ctes ? OUI : 70%
7 notaires sur 10 nous disent « se casser les dents » avec Télé@ctes. Dans 10 % des cas, c’est un problème humain ou c’est lié à un retard de comptabilité supérieur à J-1 (suite, par exemple, à l’absence du comptable). Mais généralement, il s’agit d’un problème de logiciel. C’est notamment le cas de Roselyne Larue (Manche). « Télé@ctes fait gagner du temps lorsque ça fonctionne, mais il y a trop de rigidités ! » constate Christelle Delayat (Saône-et-Loire). Et de noter : « Il faudrait pouvoir télé@cter tous les types d’actes. Or le notaire rédige des actes sur mesure, c’est parfois même de la haute couture. Je ne suis pas certaine que Télé@ctes nous suive… ».
L’avis de la rédaction : Voici peut-être la motivation de nos 7% de rebelles… Il semble que 60 % du panel se heurtent à des problèmes techniques. Comme toujours en pareil cas, il faudrait pouvoir déterminer si la pratique est en cause, ou si l’outil est déficient. En raison de comportements chaotiques des logiciels de rédaction, certains notaires auraient même, laisse-t-on entendre, décidé de ne plus télé@cter de peur d’engager leur responsabilité du fait d’erreurs incontrôlables générées par les machines elles-même (variables supprimées, modifiées ou échangées, acte différent à l’écran de ce qui est imprimé, et autres fantaisies).
Télé@ctes : un produit d’avenir ? OUI : 89 %
Télé@ctes a la cote même si quelques-uns décrient « sa lourdeur » et son « manque de réactivité ». Globalement, il est perçu comme un produit d’avenir. « C’est un gain de temps et une économie de papier » nous dit-on en Loire-Atlantique. « Le délai de publication est plus rapide, constate à son tour un notaire de l’Eure, c’est une autre façon de travailler plus agréable ». « Il y a moins de rejets et de refus » lit-on dans l’Indre. « On ne perd plus de temps pour se rendre à la Conservation des hypothèques » note Rachel Claverie (Pyrénées Atlantiques). Au rang des suggestions, elle aimerait pouvoir télé@cter les mainlevées de plus d’une inscription, les attestations immobilières ainsi que les ventes avec clauses supplémentaires (servitudes par exemple). Petit nuage dans ce paysage idyllique : si, pour certains, la mise en place de Télé@ctes s’est faite « agréablement et efficacement », la majorité (59 %) est d’avis qu’elle pourrait se dérouler dans de meilleures conditions. Jean-Michel Odo (Rhône) cite notamment le coût, la procédure qui pourrait être allégée, les possibilités qui pourraient être augmentées… En Seine et Marne, c’est une formation plus adaptée qui est demandée. Pour son confrère d’Isère, « le procédé n’est pas au point ».
L’avis de la rédaction : Procédé d’avenir, peut-être ; produit d’avenir, rien n’est moins sûr. Le concept, en tout cas, séduit, et les gains de temps espérés justifient les difficultés rencontrées. Mais tous (sauf ceux qui connaissent et pratiquent) demandent à en savoir plus sur AMALFI que notre questionnaire présentait malencontreusement comme une « alternative »… De là à en déduire que notre panel considère que, finalement, Télé@ctes, c’est « pas plus mal que si c’était pire », mais ce n’est pas non plus l’outil de leurs rêves…
Savez-vous qu’il existe en France le système AMALFI qui permet de télépublier sans les contraintes de Télé@ctes ? NON : 86 %
Bonnet d’âne pour notre panel qui ignore, dans sa grande majorité, l’existence de l’application AMALFI, le système de publicité foncière dématérialisé en vigueur en Alsace-Moselle. La plupart d’entre eux aimeraient cependant en savoir plus sur cette alternative. Nous ne pouvons que les renvoyer aux explications de Sébastien Pfister (Bas-Rhin), dont le courrier est paru dans notre précédent numéro (N2000 n° 529, page 26).
L’avis de la rédaction : Bonnet d’âne, c’est sans doute un peu exagéré, car, au fond, à part dans les trois départements concernés directement, les notaires n’auront probablement que très rarement l’occasion d’entendre parler d’AMALFI. De la même manière que le livre foncier n’a rien à voir avec la conservation des hypothèques, AMALFI n’a rien à voir avec Télé@ctes. Il semble cependant que cet outil présente un taux de satisfaction bien plus élevé. De là à penser que c’est lui, le « produit d’avenir », il n’y a qu’un pas. De plus, nous savons tous comment les « outils d’avenir du notariat » (tels MERCURE, SYDONY, C.N.I. et, plus récemment, MNEMOSYNE) finissent généralement. Bien sûr, il y a l’obstacle DGI, la soumission « nécessaire pour la survie de la profession », mais si la profession entière se jette dans une impasse technique pour sortir d’une impasse politique, il s’agira de notre dernier « flop ». A lire les commentaires souvent résignés de notre panel, on croirait entendre le murmure de celui qui tombe du haut d’un immeuble en disant à chaque étage : « jusqu’ici tout va bien ». Espérons que ce n’est qu’une impression, et, dans le cas contraire, que ceux qui, dans les hautes sphères, se mentiraient à eux-mêmes pour rester motivés, retrouveront à temps le courage nécessaire d’affronter la vérité.
Dans un autre registre, avez-vous déjà signé un acte dématérialisé ? NON : 85 %
L’acte dématérialisé n’est pas encore un réflexe. Seulement 15 % de notre panel en ont signé un. Deux fois sur trois, cela ne se s’est pas bien passé. « C’était long » relève un notaire de l’Hérault. Même constat dans l’Indre : « Chez un confrère, tout s’est bien passé à part que cela a mis beaucoup de temps : plus d’1 H 30 pour une vente simple ». « Il y a eu une baisse de tension électrique chez le confrère, nous raconte, amusé, un notaire d’Indre et Loire : il a fallu revenir au support papier ! ». Note positive : la quasi-totalité de notre panel entend bien s’y mettre prochainement ! « Il y a encore des progrès à faire, constate une de nos abonnées, mais il faudra bien un jour essuyer les plâtres ! ». Pour son confrère, « cette nouvelle modalité fait partie de l’évolution technologique inéluctable ».
L’avis de la rédaction : Ah, la querelle des anciens et des modernes ! Que ne nous a-t-on vendu au nom de la modernité ! Et puis, un jour, on se dit : « tiens, pourquoi on s’est lancé tête baissée dans ce projet » ? et avec la même force de conviction, on se lance dans la direction opposée… Le concept d’ »évolution technique inéluctable » qui est souvent employé par le panel à la place d’ »outil merveilleux que j’attends avec impatience » donne déjà le ton. Alors, gadget ou outil, il faudrait que nos instances prennent le recul nécessaire, ou, mieux encore, de la hauteur. Le notariat est supposé écarter tout risque pour sa clientèle, il en supporte même l’écrasante responsabilité. Pourquoi demander à des experts en sécurité d’être enthousiastes lorsqu’on leur demande de jouer les pilotes d’essai ? L’acte authentique dématérialisé sera-t-il mieux ? Ce mieux n’est-il pas l’ennemi du bien ? Faut-il pousser tout le monde dans le grand bain alors que la majorité ne sait pas nager sans sa « bouée canard » ? Les notaires semblent prêts à consentir tous les efforts, à accepter toutes les contraintes, reste à savoir s’ils peuvent éternellement avaler toutes les couleuvres. Ces outils promettaient, il devient urgent qu’ils tiennent réellement ces promesses, sinon, la « révolution télé@ctes » en sera bien une, mais au sens astronomique du terme (1) et nous aurons, une fois encore, gaspillé une énergie colossale pour tourner en rond !
1 – révolution : « mouvement périodique d’un corps autour d’un point central »