Tarra, tarri, tarra… dzim boum… tagada tsoin tsoin… Sonnez trompettes, battez tambours, claquez pétards, pétillez cotillons ! Joie, allégresse : le temps est venu de fêter le magistral coup de ciseau délivrant de son ruban inaugural notre magnifique rempart notarial, la sublime muraille qui protègera le tabellion moderne, j’ai nommé : Télé@ctes obligatoire ! … ou la dernière née de nos lignes Maginot.
Quand on est content de partir au combat, on dit « comme en 14 ». Quand on est déçu d’avoir pris une bonne raclée, on dit « comme en 40 ». Je rappelle ces évidences pour tous ceux qui, ne jurant que par le 3e millénaire, oublient que l’histoire sert à bâtir l’avenir en évitant les erreurs du passé. Qu’est-il donc advenu, après 14-18 et avant l’an 40 ? Eh bien, en matière de défense, on a identifié un ennemi, on a analysé ses capacités et on a défini une stratégie en conséquence. Manque de bol, l’ennemi n’a pas fait ce qu’on attendait qu’il fît et… l’affaire fut pliée en 3 semaines. Dans le notariat, on en est au même point, juste avant une déroute prévisible, genre débâcle de 1940… Mais, examinons les plans de bataille.
Malbrough s’en va t’en guerre…
Nos fins stratèges ont mis au point un art de la guerre dans toutes les directions : côté clients, c’est l’authenticité ; côté gouvernement, c’est Télé@ctes ! L’identification sociale de notre mission passe par la promotion de l’acte authentique : il faut convaincre nos concitoyens de ses qualités spécifiques et donc, le rendre irréprochable. Du côté étatique, on n’a aucune idée de ce qu’est un acte notarié (forcément puisque personne ne l’enseigne à l’ENA). Alors, on impose l’idée que la publicité foncière est un bastion technologique que seul le notariat peut occuper. Sur ces belles certitudes, on a bâti notre ligne Maginot : l’acte authentique, c’est le notaire ; Télé@ctes, c’est la publicité foncière. Or, la publicité foncière, c’est l’acte authentique. Donc Télé@ctes, c’est le notaire. Soit.
… hara-kiri
Mais voilà, en voulant rendre inexpugnable notre position, nos stratèges nous coupent de nos bases arrières : l’authenticité se fait « exclusive » et Télé@ctes devient « obligatoire » en 2014. Ce faisant, on renforce nos perfides adversaires qui entendent : « la publicité foncière, c’est Télé@ctes et le notaire, c’est l’acte authentique ». Or Télé@ctes n’étant pas nécessairement le notaire, la publicité foncière n’est plus nécessairement l’acte authentique. L’attaque est imparable : si Télé@ctes devient suffisant pour publier, en l’absence d’un lien subordonnant Télé@ctes à l’authenticité, la publicité foncière finira par échapper au notariat ! On me dira que Télé@ctes, c’est de l’authenticité dématérialisée. Ah bon… sauf que l’État est parfaitement libre d’autoriser tout amateur d’immobilier à utiliser Télé@ctes sans même devoir toucher à l’article 710-1 du Code civil.
Aux armes,
citoyens !
Les chefs sont faits pour exercer l’autorité. C’est généralement insupportable, sauf si le chef réussit à stimuler par le rêve le panache de ses p’tits soldats. Mais où est le rêve dans tous ces gadgets numériques dont on nous bassine à longueur de portail ? Va-t-on arriver à identifier, en haut lieu, quel territoire on pourrait conquérir en menant dans nos offices ces incessantes batailles d’un soi-disant progrès ? Doit-on s’adonner à Télé@ctes parce que… c’est comme ça ?!? Mon Dieu, quel rêve… Doit-on se lancer dans l’AASE parce que… ça épate la galerie ?!? Diable, ça me bouleverse… En revanche, si on me disait que Micen nous ouvre une porte (1) pour prendre le contrôle sur la publicité foncière, que la France est alors le premier pays au monde (2) et dans l’Histoire à réaliser la fusion organique de la rédaction des actes (par essence privée) et de la publicité foncière (par essence publique), ah, alors je me lèverais pour œuvrer à la victoire notariale ! Au lieu de macérer dans notre torpeur d’assiégés, regroupons nos valeurs juridiques, nos forces technologiques et le poids de notre gouvernance, passons à l’offensive et conquérons la publicité foncière tant qu’il est temps (3) !
1. Celle des Lionnes !
2.Lire le rapport fort intéressant fait par Cédric Daugan et Jean-François Girard pour le 43e congrès MJN : « Le livre et la plume, publicité foncière et notariat : quel avenir ? ».
3. Eh oui, gouvernance sans rêve finit en trahison…