Nous avions jusqu’à présent évoqué le « triste sort » du notaire en « Très Petit Office ». C’est oublier que le phénomène TPO ne touche pas que le titulaire de l’Office, il concerne également les collaborateurs, auxquels il sera souvent demandé, par analogie avec leur employeur, bien plus, pour bien moins…
A priori, et selon les normes édictées « en haut lieu », les fonctions sont clairement définies, et chacun parmi nous a sa place : un notaire est un notaire, une secrétaire une secrétaire, et il ne viendrait à personne l’idée de regarder plus en détail ce qui pourtant fait notre quotidien… Rappelez-vous la grenouille et sa casserole d’eau ! Remplaçons la grenouille par une collaboratrice, la casserole d’eau par un Office Notarial, et observons le résultat…
100 % vécu !
Imaginez la scène : nous sommes dans une étude rurale. Le notaire quitte son bureau après avoir étudié avec les clients les modalités exactes d’une vente de terrain rural. Oh rien d’extraordinaire, mais il a quand même fallu expliquer diverses petites choses dont le montant élevé des frais pour « quelques feuilles de papier ». Le vendeur, qui trouve que le prix qui lui revient est déjà bien bas, n’a pu s’empêcher de soulever l’éternelle question : « Je croyais que les frais, c’était 10 % ». Et l’acquéreur a rebondi, lui qui n’osait pas… Une demi-heure plus tard, ils ne sont pas plus contents, mais ils comprennent mieux, et surtout ils n’en veulent plus au notaire. Las d’avoir dû, encore une fois, se justifier, celui-ci remet à l’une de ses collaboratrices l’avant-contrat sommaire et lui donne quelques précisions de détail pour la préparation du dossier. Puis il retourne à ses occupations. Quelques minutes passent avant que la « responsable du dossier » frappe à sa porte et lui assène un « Vous avez fait une erreur dans l’avant-contrat ! ». À peine remis des joutes verbales, voici notre notaire pris d’une soudaine angoisse : « Pourvu que je ne me sois pas trompé dans l’annonce préalable des frais ! ». Et la collaboratrice de poursuivre : « le prix de vente, ça ne peut pas être 3 000,00 FRF, c’est 30 000,00 ! Vous vous êtes trompé !!! ». Ah oui, j’oubliais de préciser : si je parle en francs, c’est que ceci est une histoire vécue ! La collaboratrice en question venait à peine de rejoindre mon équipe, et avait travaillé de longues années dans le Pays de Gex (où le terrain à bâtir de 600 m2 vaut 178 100 € en moyenne contre 10 000 € à Sagy). Une autre demi-heure fut donc nécessaire pour lui faire prendre conscience de la faible valeur de nos terrains, mais sa conclusion résonne encore à mes oreilles : « Vous vous rendez compte que vous ne gagnez rien avec ça ?! ».
Bande à part
Eh oui, la vie de collaborateur en milieu rural est loin d’être de tout repos ! Il faut être polyvalent : le notaire joue parfois le rôle de la secrétaire, et il arrive que la secrétaire doive se hisser, sur certains points, au niveau du notaire. Bref, la hiérarchie a moins cours, l’organisation n’a pas grand-chose à voir avec celle qui est nécessaire au-delà d’une certaine taille et le moral des troupes, comme l’entente entre les différents éléments d’une équipe, prennent véritablement toute leur importance. C’est aussi pour cette raison que les « TPO » font souvent « bande à part », traînent les pieds ou refusent de s’engager dans des opérations dont la motivation profonde est l’apparence. Lorsqu’une action est entreprise, elle doit être cohérente. Si elle s’avère chronophage et onéreuse, si son utilité n’est pas flagrante, elle constituera un « boulet » de plus à traîner. Les TPO doivent avoir les pieds sur terre (et parfois dans la boue), le cœur sur la main (travailler beaucoup pour gagner peu), et la tête dans le cyberespace (seul lieu où la géographie n’est -presque- plus un frein à l’imagination).
Fr@cture et facture
Bien sûr, la « fracture » internet existe, mais elle concerne surtout les outils consommateurs de bande passante. Ces applications lourdes pourraient pourtant beaucoup apporter aux TPO. Nombre d’entre eux pourraient ainsi participer à des formations en ligne plutôt que de perdre une demi-journée de transports pour assister à une formation dont la qualité ne sera appréciée qu’après investissement. Parallèlement, on peut déplorer la « facture internet » conduisant le petit office à payer cher pour être -très- mal servi. Toutefois, et même si nous sommes plus mal reliés à l’internet que si nous utilisions une ficelle mouillée, nous, TPO, avons un avantage déterminant par rapport au « notariat isolé » d’il y a 20 ans : il est aujourd’hui possible grâce à ce réseau de ne plus être seul dans son coin… Aussi, titulaires et collaborateurs de TPO, puisque l’intranet n’en est pas vraiment un (il lui manque les outils de communication) et sachant qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, venez vous exprimer (gratuitement !) sur l’extranot : (http://agora.notaires-en-ligne.org), nous pourrons y poursuivre l’intéressante conversation commencée par mail avec certains d’entre vous…
Je dédie cet article à la mémoire de Sylvie CHANUSSOT, collaboratrice discrète et dévouée du TPO de SAGY, qui mettait tout son cœur à la tâche, jusqu’à ce qu’il lui fasse faux bond, le 18 juillet 2008. Elle n’avait que 36 ans…