Au congrès de Nice, en mai dernier, sur proposition du président Reynis, Mme Rachida Dati a annoncé que « l’examen des dossiers de cession des offices sera allégé par un plus grand recours à l’expertise des chambres régionales, notamment sur les conditions financières des cessions. L’intervention de la chancellerie devra se concentrer sur les aspects juridiques de la cession et sur les conditions d’accès à la profession (notamment les conditions d’aptitudes professionnelles et de moralité) ». Est-ce de l’eau au moulin de Me Darrois ?
La chancellerie abandonne la finance. En clair, notre ministère de tutelle ne contrôlera plus le prix de cession des offices. Le gouvernement considère-t-il qu’analyser le coût des offices revient à “cautionner“ la vénalité ou patrimonialité des charges républicaines ? Ce qu’elle refuserait désormais ! Une chose est sûre : désormais, la chancellerie se concentrera sur la compétence, la moralité, le quadrillage géographique et les créations d’office. Quant à l’analyse financière des cessions d’office, elle est transférée au notariat. Au niveau national ? Non, au niveau régional ! Le premier réflexe corporatiste est de se réjouir de la confiance ainsi démontrée par ce transfert de compétence. Pourtant, cette décision fourmille de chausse-trappes. C’est merveilleux, vous dites-vous ! Le notariat n’aura plus de compte à rendre au sujet des prix des cessions ! Celles-ci ne seront plus bloquées pendant plusieurs mois au parquet ou à la chancellerie. Les notaires en rêvaient, Rachida Dati l’a fait ! Deux bémols très importants cependant…
En interne
• Le transfert à l’échelon régional permettra de tenir compte des spécificités locales (soleil, mer, montagne, capitale…), évitera le recours à d’autres moyens ( !), mais empêchera l’harmonisation des prix de cession au niveau national. La différence entre les régions, générée par la différence de niveau de chiffre d’affaires, sera encore creusée par une différence de coefficient appliqué au chiffre d’affaire en fonction de l’attrait local ; • Le contrôle du prix de l’office par un professionnel exerçant la même profession (un confrère), parfois dans la même ville (un confrère, oui !), avec qui l’on partage harmonieusement le service public qu’il faut rendre aux citoyens (un confrère, oui, oui !), n’est peut-être pas des plus heureux. Dans une « chambre régionale » figurent nécessairement des confrères du département de l’office cédé, parfois de la même ville. Le niveau régional est certes plus rassurant que le niveau départemental, mais le niveau national est plus lointain. Il est gage de désintéressement (au sens noble) et d’harmonisation.
En externe
Ce transfert de compétence financière va renforcer l’auto-contrôle qui donne déjà une image fermée de la profession. Il est de plus décrié par les autres professionnels du droit, ceux-là même qui lorgnent sur notre « secteur non (encore !) concurrentiel » et sur le numerus clausus des offices. Surtout, dans le cadre d’une éventuelle stratégie de dilution de la patrimonialité des offices, l’État se dégage aujourd’hui de toute responsabilité quant à la valeur de cette patrimonialité. Ce transfert de contrôle financier est-il une si bonne idée ?