Pendant longtemps, les notaires ont pensé que leur étude tenait sa patrimonialité de la possession des minutes de leurs prédécesseurs et d’eux-mêmes, et de ce fait, que les clients signataires desdites minutes (et leurs ayants-cause) étaient obligatoirement rattachés à leur étude. La mobilité géographique et l’évolution des choix de la clientèle ont fini par avoir raison de cette notion. A tel point que lors de la suppression de certaines études, si certains se vantaient d’avoir été attributaires des minutes, d’autres voisins affirmaient souvent avoir été attributaires des clients…

 

La patrimonialité de l’étude réside plus dans la clientèle que dans les minutes. Et pourtant, nombreux sont les courriers dans lesquels nous lisons « mon client » ou « votre client ». Il nous arrive également souvent d’entendre parler de « détournement de clientèle ». Comme si le client était une chose dépendant de l’office, une sorte d’élément faisant partie intégrale du fonds libéral notarial. Les résultats de l’enquête menée par Notariat 2000 sont d’ailleurs à ce sujet édifiants. Toutes les personnes interrogées ont trouvé que dans les cas proposés, les clients étaient les leurs ou ceux des autres, mais en aucun cas des êtres libres, choisissant leur notaire au gré de contraintes géographiques, de leur envie, de leurs goûts, parfois fidèles, parfois volages. On se prendrait presque à rêver de certains offices comme celui de l’Ile d’Yeu dont le plus proche confrère doit se trouver au mieux à une heure et demie de trajet ! Mais même dans cette insularité, nous ne pouvons imaginer que tous les Islais n’ont qu’un seul et unique notaire. Le client n’est donc plus attaché à la minute, ce n’est en tout cas pas un facteur de fidélisation. Il n’est d’ailleurs pas plus attaché à l’étude. Ce qui l’amène à faire recevoir ses actes ou à solliciter les conseils de tel ou tel autre notaire, c’est le notaire lui-même. Certes, il a parfois peu de choix ou au contraire il n’en a que l’embarras.

 

Inventeur de site

Cette évolution devrait nous conduire à réfléchir sur ce qui fait la patrimonialité de nos offices. Si ce n’est plus les minutes, ni les clients, que reste-t-il ? « Le numérus clausus » vous entends-je me répondre in petto. Oui, pour l’instant, mais peut-être plus pour longtemps, serais-je tenté de vous rétorquer. Car finalement, le numérus clausus n’est qu’une façon d’assurer un nombre théorique minimal de clients pour une étude en lui assurant de ne pas voir ouvrir de nouvelle étude géographiquement trop proche. La notion d’invention de site, si elle n’est pas strictement contrôlée et encadrée, pourrait réduire à néant la patrimonialité de nos offices. Mais l’invention de site peut avoir des effets très positifs. En effet, l’ouverture d’une étude proche peut amener justement à avoir une autre vision de la notion de client et surtout de la façon dont il est « rattaché » à l’étude. Cela nous obligera à le fidéliser, à lui offrir le meilleur service, et surtout à considérer qu’il ne vient plus chez nous parce que les minutes de ses actes s’y trouvent. Dés lors, nous pouvons considérer que finalement minute et client sont liés entre eux. La minute, même si nous en sommes le détenteur, appartient au client. Car au bout du compte, c’est bien de « son » acte qu’il s’agit.

 

Minutier électronique individuel

Le meilleur service à rendre au client, c’est de lui permettre de consulter sa minute ou une copie authentique à tout moment et n’importe où. Internet est l’outil le mieux adapté pour ce faire. Nous devons donc créer notre minutier électronique et donner au client l’accès à ses actes par un moyen informatique fortement sécurisé. Ainsi, quelle que soit l’étude détentrice des minutes, le client pourra à tout moment consulter ses actes, en tirer ou transmettre une copie. Le minutier électronique individuel, si novateur puisse-t-il être, n’est que le début du match, la seconde mi-temps devant aboutir à la création d’un minutier électronique national accessible tant à nous-mêmes qu’à nos clients, tout en conservant la notion de confidentialité si essentielle à notre profession.