L’euphorie de la fin 2009 est légèrement retombée. Pour autant, le moral des troupes ne semble pas entamé et les prévisions faites pour les mois à venir se révèlent favorables.
Tendance concernant l’activité
En ce début d’année, 25 % des négociateurs (contre 33 % fin décembre) nous disent avoir observé une amélioration dans le volume des transactions. 48 % (contre 39 %) constatent une stabilité de l’activité. « Après une embellie constatée sur le 2ème semestre 2009, le marché semble atone depuis fin décembre » s’exclame un notaire d’Evreux. Certes, janvier et février sont traditionnellement entourés d’une certaine frilosité, tant de la part des acquéreurs que des vendeurs. Pour autant, cette contre-performance ne semble pas entamer le moral des troupes. Les prévisions faites pour les mois à venir se révèlent favorables, le solde des opinions qui mesure l’écart entre les optimistes et les pessimistes redevenant positif pour la première fois depuis 2006.
Tendance concernant les prix
Les perspectives d’une reprise d’activité n’engendrent pas pour autant une amélioration de tendance dans l’évolution de prix. Pour les logements, plusieurs notaires évoquent un marché très instable. Dans un « marché en dents de scie » comme le qualifie le négociateur de Me Vogelweith dans les Vosges, les petits prix dominent. « Les visites reprennent. On vend essentiellement des biens à petits prix (<140 000 euros), mais on rentre des biens à des prix plus élevés » précise t-on à l’étude de Mes Quidet et Le Bourdonnec à Châteaudun. En Ile-de-France, on parle de « situations contrastées ». Ainsi en janvier, dans les Yvelines, les prix des compromis ont progressé de 1,3 %, alors que dans le Val de Marne, ils ont baissé de 0,9 % (1). Au niveau des prix relevés dans les annonces, les hausses se situent plutôt dans les régions du Sud et dans les grandes villes, là où les prix ont le plus baissé précédemment. Les ventes de terrains à bâtir reprennent, notamment auprès des primo-accédants. Les prix ne s’élèvent pas pour autant. Selon une étude du ministère du Développement durable (2), ils ont augmenté de 2,9 % en 2008 contre 8,9 % en 2007. En moyenne, le montant de l’investissement total (terrain + maison) a peu évolué ces deux dernières années. Il s’élevait à 200 850 euros l’an passé.
Le conseil des notaires
70 % des notaires conseillent de vendre avant d’acheter un bien de remplacement. On note toutefois qu’ils étaient 75 % à le préconiser fin décembre… Parallèlement, 28 % (contre 22 % fin 2009) entrevoient la fin de la baisse des prix et une reprise du marché. Pour eux, il y a peu de risque à saisir une opportunité sans avoir revendu son propre bien. Concernant les terrains, les proportions sont quasi identiques. Un bon tiers (39 %) considère que les prix vont monter et 53 % estiment que le marché demeure toujours baissier, préconisant de vendre en premier lieu.
Évolution de l’environnement économique
Les difficultés que connaissent quelques pays de l’Europe du Sud ont abouti à une baisse de l’euro par rapport au dollar. Dans un premier temps, ces perspectives ont été accompagnées d’une dévalorisation des valeurs boursières, le CAC 40 passant de 4 000 à 3 600 de fin décembre à mi-février. Cette faiblesse de la monnaie européenne favorise aussi nos exportations. Cela explique en partie la remontée de début mars, avec un indice évoluant autour de 3 900. Sur le plan immobilier, l’année 2009 a été plutôt faste pour le logement neuf. Selon les derniers chiffres publiés par le ministère du Développement durable, le nombre de ventes s’est élevé à 106 300, soit une augmentation de 34 % par rapport à l’année précédente.
Regard sur l’actualité
Le Président Obama veut inscrire, dans la loi américaine, des mesures limitant la taille des banques et leurs activités. Il veut notamment leur interdire de spéculer sur les marchés pour leur propre compte. Cela paraît plein de bon sens quand on pense aux ravages causés par la crise économique déclenchée par ces institutions. L’éventuelle possibilité de séparer les activités bancaires et de revenir aux pratiques antérieures est une décision simple, mais qui fait débat. Jusqu’à la fin des années 80 en France et des années 90 aux États-Unis, banque de dépôt et banque d’affaires avaient des activités bien dissociées. Pierre Ledoux (3), président de la BNP, déclarait alors que « La responsabilité fondamentale du banquier est d’aider au fonctionnement de la vie économique, de contribuer à faire vivre les entreprises, de créer des activités et des affaires ». De son côté, Claude Ruelle (4), président d’une Caisse régionale du Crédit Agricole, estimait que « la nécessité du profit est une évolution qui nous chagrine ». En une dizaine d’années, avec la libéralisation des activités financières, ces mentalités semblent quelque peu dévoyées. Il est vrai qu’à cette époque, les présidents des grandes banques françaises étaient nommés par le gouvernement (5) et qu’il n’y avait pas de course au bonus. Pour les défenseurs de la banque « universelle », le système actuel qui mêle les deux métiers, est une force. En cas de récession économique, les banques de dépôt perdent de l’argent, car les entreprises et les particuliers ont quelques difficultés à rembourser leurs crédits. Elles peuvent alors compenser ces pertes par des opérations d’investissements sur les marchés financiers. Il est alors aisé de répondre que leurs positions sur ces marchés ont justement entraîné leurs pertes dans la crise actuelle. Un grand nombre d’entre elles ne doivent leur salut qu’aux aides obtenues de leur gouvernement. La nationalisation des banques mises en difficulté a été envisagée, tant aux États-Unis qu’au Royaume-Uni, mais pas en France où les dernières dénationalisations remontent à 2002. La question soulevée est celle du management de ces institutions financières qui, crise aidant, se sont révélées l’une des pierres angulaires de notre système économique. En tant que garant de l’intérêt collectif, l’État doit-il intervenir dans le management des grandes banques ? Doit-il les laisser entre les mains d’actionnaires et de dirigeants qui n’aspirent qu’à leur enrichissement personnel ? La réponse de Mr. Obama est qu’il faut, pour le moins, encadrer leur liberté d’action en réduisant leur taille et leurs activités spéculatives. Encore faut-il qu’il gagne la bataille contre des lobbies financiers extrêmement puissants et très influents dans la politique économique.
1. cf. baromètre du site Meilleursagents.com 2.Commissariat général au Développement durable, août 2009, « Le prix des terrains à bâtir ». 3. Journal imprévu d’un banquier, éditions Odile Jacob, janvier 2001 4. Association des Présidents des Caisses régionales du Crédit Agricole, septembre 1987 5. La BNP a été privatisée en 1993. Le désengagement complet de l’État dans le secteur bancaire est intervenu en 2002 avec la privatisation de la Banque Hervet et la cession des 10 % du capital du Crédit Lyonnais qu’il détenait encore.
NDLR : Cette enquête a été rédigée le 10 mars 2010. Elle s’appuie sur les mois de janvier et février.