2006 verra-t-il brûler des offices notariaux ou un Conseil régional ? En cette nouvelle année, l’éthique et la transparence ont plus que jamais leur place…

 

Moi : As-tu écouté les informations ? Deux études ont brûlé et les pompiers ont trouvé, parmi les décombres, un message émanant d’un groupe s’intitulant « Défenseurs de l’Authenticité » et qui disait : « On en a marre de signer des actes, sans réception de projet au préalable et sans jamais rencontrer le notaire ou un notaire assistant assermenté, puis de recevoir le compte, plus de six mois après, sans explications. »

MOI : C’est un peu exagéré comme réaction, non ?…

Moi : Sans doute ! Mais que dis-tu de cette nouvelle trouvée dans les pages d’un “canard” local : des notaires auraient envahi le siège d’un Conseil régional en criant « On veut la transparence ! ». Selon le journaliste, il serait impossible de connaître précisément le montant des réserves du CR, le détail du poste des dépenses concernant les indemnités versées aux élus et la liste noire des confrères abonnés aux sinistres…

 

MOI : Les confrères s’étaient trop imprégnés de l’esprit révolutionnaire. La pureté, c’est bien, mais trop c’est trop ! Il faut laisser l’ordre des choses à ceux qui nous gouvernent.

Moi : Je me demande si ce n’était pas des congressistes Jeune Notariat revenus de Chine… J’ai relevé une pensée de Confucius qui pourrait expliquer leur action. Écoute : « Les grands principes ne souffrent pas de transgression ; les petits principes tolèrent des accommodements ».

 

MOI : Le notariat est effectivement basé sur des grands principes.

Moi : Tu vois, nous sommes d’accord ! D’ailleurs, si tu lis nos parutions officielles et si tu écoutes nos élus, il n’y a aucune transgression. Avec nos ministres, c’est exactement pareil. Les règles de la République sont les mêmes pour tous : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Au nom de ces grands principes, baptisés avec orgueil « l’exception française », nos hommes politiques, écartant dédaigneusement les solutions qui marchent ailleurs, nous ont conduits dans l’impasse. Du coup, nous vivons à crédit sur le dos de nos enfants avec pour seule certitude que nos banlieues s’embraseront encore. C’est tout de même incroyable ce discours en rupture complète avec la réalité, niée jusqu’à l’absurde, mais bénéficiant du relais des médias !

 

MOI : Tu penses sincèrement que le parallèle peut être fait avec le notariat ?

Moi : Ils ont la même façon de parler, de nous rassurer en prétendant que le notariat est un service public nécessaire, assuré par des professionnels libéraux, loyaux, compétents, efficaces et respectueux d’une éthique sans faille. Des professionnels qui s’appuient sur des salariés bien formés, bien payés et en nombre suffisant, avec à leur tête un CSN menant la profession avec transparence et conduisant une action de lobbying au plan européen, voire mondial, tellement efficace que l’on en attend, au moins, un match à égalité avec le droit anglo-saxon !

 

MOI : Et ce n’est pas tout à fait cela ?

Moi : Renseigne-toi ! Les universités parlent-elles du notariat comme d’une profession d’avenir ? Les grandes entreprises tissent-elles des relations aussi proches que celles qu’elles ont avec les grands cabinets de conseils juridiques ou d’avocats ? Les banques ont-elles de plus en plus recours à la garantie hypothécaire et jouent-elles un jeu normal avec notre profession ? L’État utilise-t-il nos offices avec efficacité ? Sait-il combien nous pourrions simplifier la vie des Français pour la gestion d’un changement de régime matrimonial, l’adoption d’un PACS, la rédaction d’une déclaration de succession, l’organisation d’une tutelle ou la préparation d’une procuration de fin de vie (si nous avions le mandat légal pour le faire) ?

 

MOI : L’avocat détient le monopole de la défense et un mandat « ad litem ». Nous avons le monopole de l’immobilier et d’une partie du droit de la famille. Or, nous risquons de le perdre, pour tout ou partie, et d’en partager une fraction avec les avocats, sans que l’on sache pourquoi !

Moi : Nous sommes trop riches ! L’organisation pyramidale du notariat ne peut être efficace que si elle est basée sur une éthique de parfaite transparence à tous les étages, ce qui n’est pas le cas. En outre, nous ne sommes pas assez nombreux. Nous sommes trop élitistes car, quoi qu’on en dise, un grand nombre de cabinets immobiliers savent mieux préparer la vente d’un bien immobilier ou d’un fonds de commerce que certains offices ! Posséder une fine analyse en droit peut s’avérer utile dans certains dossiers, mais pour régulariser la plupart des actes de ventes, il faut, avant tout, avoir du bon sens, un esprit pragmatique et une organisation rigoureuse. Quant à la morale et à la probité absolument nécessaires, elles se perdent dans le notariat. Le jour où le CSN, les CR et les Chambres seront des maisons de verre, nous aurons fait un grand pas. Nous ne devons pas avoir peur de la lumière. Il nous faut donc afficher une réelle différence avec le système et le mode de vie actuels, du fond de nos campagnes au sommet du CSN.

 

MOI : L’année 2006 verra-t-elle brûler des offices notariaux ou un CR ?

Moi : Nous ne pourrons espérer une situation meilleure – en ce sens que notre service sera reconnu, sollicité et respecté-, que si :

• la profession retrouve « l’intuitu personae » confraternel, un sens moral, une ambition, un projet ;

• nous démontrons notre efficacité, notre esprit d’entreprise et notre indépendance ; • le notariat se démocratise et augmente le nombre de titulaires tout en se féminisant ;

• les élus gèrent les Chambres, le CR et le CSN avec fermeté et « bonne foi » ;

• nous retrouvons la confiance des citoyens et de la République ;

• nous faisons preuve d’humanisme et prouvons journellement notre utilité sociale ;

• nous faisons partager nos valeurs anciennes à nos salariés en même temps qu’une juste répartition des revenus des offices.

C’est en tout cas le vœu que je forme pour nous tous en ce début d’année 2006 !