Le notaire est-il un chef d’entreprise ? Certains esprits dépourvus de sens des nuances seraient sans doute surpris qu’il puisse exister un doute sur le sujet. Mais des considérations que, pour les besoins de la cause, nous qualifierons de “géopolitiques”, font qu’il n’est politiquement pas correct d’appliquer ce label de “chef d’entreprise” aux notaires. Faisant partiellement fi de l’art sémantique, nous opterons quant à nous pour le terme “d’entrepreneur responsable d’une unité économique de production”.

 

Il est incontournable qu’une étude notariale a un objectif de production de services : à ce titre, un notaire doit avoir une double compétence, celle de son métier de juriste, et celle de sa mission qui consiste à manager un groupe humain et des outils de production, afin d’assurer les meilleures prestations possibles à ses clients. Malheureusement, la formation au management ne fait pas partie (ou si peu !) du cursus proposé aux postulants à la profession notariale. Faut-il y voir une relation de cause à effet avec le nombre considérable d’étudiants en notariat qui, une fois leur diplôme en poche, opte vers d’autres professions ? Vérification faite, (voir l’article de Marianne page 26), on s’aperçoit que les raisons de cette hémorragie se cristallisent sur trois manques : perspectives, reconnaissance et rémunération. Pourtant le notariat n’est pas une profession sinistrée, elle a même la chance de se porter bien, et elle va avoir un énorme problème de renouvellement de ses effectifs. Et combien de notaires débordés, qui travaillent trop, et qui n’arrivent pas à trouver de collaborateurs ? Alors, où faut-il chercher l’erreur ?

 

Objectifs de progrès

C’est ce niveau d’enjeu qui rend encore plus nécessaire la généralisation des démarches qualité dans les études. Car une entreprise ne peut prétendre à une certification si elle n’a pas introduit dans son mode de fonctionnement une politique managériale à base d’objectifs de progrès, politique à laquelle se trouvent associés tous les collaborateurs. Les entretiens annuels représentent une bonne opportunité de négociation de ces objectifs, dont il est logique de récompenser l’atteinte. Dans un tel contexte, les formules d’intéressement méritent d’être réactivées, étant rappelé qu’il faut bien différencier la prime récompensant l’atteinte d’un objectif personnel avec l’intéressement qui concerne l’ensemble de l’équipe. Lorsque le notaire entrepreneur a défini l’ensemble des objectifs de progrès qu’il propose à son équipe, il doit y associer des indicateurs, qui permettront la mesure des progrès effectués, et serviront de base au versement des primes associées.

 

Outils performants

Mais la reconnaissance ne doit pas se situer au seul plan financier. On ne peut demander à des collaborateurs d’être performants si on ne met pas à leur disposition des outils performants. Il est surprenant d’observer le nombre d’études où le matériel informatique est largement obsolète, accusant parfois plus de sept ans d’age. Avec l’avènement des TIC, d’internet et de logiciels toujours plus sophistiqués, les ordinateurs ont besoin de puissance. Les générations datant d’il y a plus de trois ans sont souvent largement dépassées. Alors investir dans du matériel performant représente un gage de meilleure efficacité, mais c’est aussi une marque d’égard vis-à-vis des collaborateurs qui ne peuvent que l’apprécier. Il est réconfortant de constater que, l’an passé, 66 % des notaires interrogés dans le cadre de notre enquête “bilans et perspectives” (voir page 17), ont privilégié ce mode d’investissement.

 

Beaucoup de notaires estiment que leur métier de juriste est trop prenant pour qu’ils puissent consacrer le temps nécessaire à leur mission de manager. N’est-ce pas poser le problème à l’envers ? C’est justement en ayant d’abord pris la peine d’organiser son étude sur de solides bases managériales qu’il trouvera le temps de se consacrer à ses clients en exerçant ses compétences juridiques et ses talents de conseil.