Et si l’avenir de la négociation immobilière notariale consistait à aider les clients en organisant un marché de vente de particuliers à particuliers sécurisé ? Réflexion impertinente à la limite du politiquement correct…

 

MOI : Belle victoire du notariat sur la directive Services, dite Bokelstein, le 29 mai 1 !?

Moi : On peut le penser en effet. C’était parfait, presque coordonné avec le Congrès et toute la communication qu’il suscite.

 

MOI : Victoire du CSN ou du Gouvernement ? De Me Dejoie ou de Me Lambert ? Peu importe après tout. À défaut de remporter la guerre, le notariat a gagné indiscutablement une bataille et un peu de temps pour préparer la prochaine échauffourée qui ne manquera pas de survenir.

Moi : Tu as noté comme moi toute l’ambiguïté de la situation. Nous échappons au piège de la directive Bokelstein et des rapports de Mario Monti, l’ultra-libéral, en affirmant notre statut particulier de serviteur de l’État, d’officier public impartial au service des consommateurs. En même temps, nous revendiquons notre statut de professionnel libéral efficace et nous continuons, si je puis dire, nos petites affaires bien rémunérées… N’est-ce pas un peu hypocrite ?

 

MOI : Ne confonds pas hypocrisie et stratégie. N’avons-nous pas toujours défendu l’idée d’exercer la délégation de l’État dans un cadre libéral afin de gagner en efficacité ? D’ailleurs si les greffes des Tribunaux d’Instance et de Grande Instance n’étaient pas fonctionnarisés, il est probable que les copies de jugements seraient délivrées beaucoup plus rapidement et à moindre coût.

Moi : C’est vrai pour l’activité notariale en général. Mais lorsqu’il s’agit de la négociation immobilière, de placements d’assurances dans le cadre du conseil patrimonial et des affaires tout simplement, ne sommes-nous pas très loin de la plupart des notariats qui nous entourent ?

 

MOI : Que proposes-tu ? La suppression de toute activité commerciale et notamment de la négociation notariale rémunérée ?

Moi : Non, en tous les cas, pas tout de suite… Mais de la rendre encore plus anecdotique qu’elle l’est actuellement et offrir, en contrepartie, un service indépendant susceptible d’assister les consommateurs dans la négociation de leurs immeubles.

 

MOI : Je ne comprends pas. Si tu veux les aider, il faut disposer obligatoirement d’un service de transactions.

Moi : Je t’explique : l’honoraire de négociation pour les agences est d’environ 5 % contre 2 % à l’étranger. Compte tenu du niveau actuel des prix, cela représente bien souvent une commission de 15 000 euros et plus par affaire, ce qui semble exagéré. Pourquoi ne pas aider les clients en organisant un marché de vente de particuliers à particuliers, sécurisé ?

 

MOI : N’est-ce pas ce que nous faisons quotidiennement ?

Moi : Actuellement, comme dans le marché de la vente d’automobiles, les particuliers peuvent se faire arnaquer sur le prix ou sur l’état du bien. Si le notariat passait une convention avec les professionnels que sont les architectes et les géomètres, les notaires pourraient délivrer un document authentique certifiant l’état de l’immeuble à vendre tant du point de vue de la construction que du point de vue juridique, urbanistique… Le notariat accueillerait ensuite, dans ses journaux ou ses réseaux internet, les offres de ventes de biens dont la qualité et le prix auraient été préalablement certifiés. Les particuliers pourraient traiter entre eux en toute confiance. Le notariat serait le gardien de la moralité et de la sécurité des transactions. Il le serait d’autant plus que les notaires ne seraient pas tentés de favoriser tel ou tel client car ils n’auraient quasiment aucun avantage à le faire. Nous gagnerions une confiance inestimable auprès du public pour le prix d’une expertise et la surveillance d’un réseau. Moins lourd à gérer que l’organisation d’une vente à la bougie, ce service correspondrait, me semble-t-il, à l’attente des clients qui souhaitent un service réel plus que des conseils, le tout au meilleur coût ! Nous développerions ainsi notre activité, notre compétence, notre image et nos relations avec les professionnels libéraux que sont les architectes, experts, géomètres experts sur le seul socle de l’activité d’expertise avec l’aide d’un MIN rénové.

 

MOI : Ce serait à peine plus léger en organisation qu’un service « Négociation » ?!

Moi : Mais pas du tout ! Par manque de moyens ou d’activité, peu d’études disposent d’un véritable service de négociation, et les notaires répugnent à utiliser des services communs. Ils sont trop individualistes et appréhendent souvent de perdre des affaires. Avec le marché de particulier à particulier, plusieurs études pourraient rémunérer un expert commun, qui n’interviendrait pas dans la négociation et ne pourrait donc pas orienter le client vers tel ou tel confrère. Au final, le client vend lui-même son bien au vu du dossier contenant l’audit de son bien, que lui a remis son notaire et grâce à un réseau mis à sa disposition par le notariat. Tout naturellement lorsqu’il aura trouvé un acquéreur, il reviendra voir le notaire qui détient l’ensemble de son dossier. Quant à l’acquéreur, il traitera avec confiance en ayant choisi ce réseau de vente sur le conseil de son notaire et à la lecture de la Charte notariale qui garantit la qualité (par rapport au prix) du produit mis en vente. C’est ce que fait le consommateur qui fréquente les magasins usines de Troyes ou d’ailleurs … Dans ces magasins, la Charte est affichée dans la vitrine, de même que notre Charte pourrait figurer sur les supports qui accueilleraient les annonces pour les ventes de particulier à particulier.

 

MOI : Et quand le client ne serait pas d’accord avec la fourchette de prix fixée par l’expert du notariat ?

Moi : Le dossier lui serait remis avec la fourchette au bas de chaque feuille. Il serait interdit d’accès à tout réseau ou support notarial, en cas de mise à prix supérieure à la fourchette fixée. Cela éviterait les surenchères que font les professionnels pour capter un mandat de vente et tous les prix exagérés, soit disant à débattre… Le notariat pourrait même ajouter le service d’une assurance qui garantirait au client, en cas de revente moins cher dans les trois ans, le paiement de la différence.

 

MOI : En somme, un peu comme la COB est la gardienne du temple de la Bourse, le notariat deviendrait le gardien du marché des ventes entre particuliers, l’expert incontournable, le régulateur. Le marché se répartirait à terme entre la négociation par les agences et le marché de particulier à particulier, sécurisé par le notariat.

Moi : Notre crédibilité serait totale et la plupart des notaires réticents pour aborder l’expertise et la négociation pourraient s’investir sans restriction dans le créneau de l’expertise, soit par eux-mêmes, soit par un clerc expert, soit par un service commun en GIE ou départemental. Je suis persuadé qu’une telle opération pourrait être montée au plan national en deux ans maximum.

 

1 – Les 25 sont parvenus à un accord politique sur la directive Services. Se rapprochant du compromis trouvé par le Parlement en février, ils ont accepté d’en exclure les services fournis par les notaires et les huissiers. En revanche, les avoués et avocats demeurent dans son champ.